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[Critique série] «Stick» : le green des âmes abîmées


Stick

de Jason Keller

Avec Owen Wilson, Peter Dager, Marc Maron, Mariana Treviño…

Genre comédie dramatique

Durée 10 x 30 minutes

Apple TV+

Il faut bien l’avouer, Apple TV+ a le nez fin quand il s’agit de dénicher de petites pépites douces-amères portées par un casting de luxe. Pour exemples, les séries Platonic, portée par Seth Rogen et Rose Byrne (et dont la saison 2 débutera mercredi sur la plateforme), Shrinking, avec Jason Segel et Harrison Ford (le tournage de la saison 3 s’est terminé fin juillet pour une diffusion attendue début 2026) ou encore Ted Lasso, l’un des programmes phares de la plateforme, qui a confirmé plus tôt cette année qu’il reviendrait pour une quatrième saison.

Autant de titres qui forcent Stick à soutenir la comparaison, d’autant que l’on y retrouve de nombreux motifs communs : comme Ted Lasso, Stick prend pour cadre le monde du sport; comme Shrinking, les héros sont une paire d’hommes vieillissants et déprimés, et la série évolue sur le même fil tendu entre la comédie franche et l’émotion; comme Platonic, la série souligne en creux l’importance d’une seconde chance dans la vie.

Ici s’arrêtent les similitudes, puisque Stick a sa propre histoire à raconter, celle du tandem formé par Pryce «Stick» Cahill (Owen Wilson), ancien champion de golf tombé dans l’oubli, et Santiago Wheeler (Peter Dager), un garçon de 17 ans au swing prodigieux.

Pryce, qui vit plutôt mal son divorce, vend des articles de golf le jour et se fait quelques billets supplémentaires la nuit en montant de petites arnaques avec l’aide de son ancien caddie, Mitts (Marc Maron), décide de se ressaisir en coachant le jeune homme, qu’il voit déjà comme le prochain Tiger Woods.

On oublie rapidement le caractère prévisible du scénario, dont on devine déjà la résolution des grandes lignes dès la fin du premier épisode (réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris, déjà auteurs d’excellents «feel-good movies» situés dans le monde des compétitions : le culte Little Miss Sunshine, en 2006, et Battle of the Sexes, en 2017), pour se laisser séduire par la rencontre de ces âmes abîmées qui vont dévoiler leurs fêlures sur le green.

À cet égard, Stick s’intéresse moins au sport, laissé la plupart du temps en toile de fond – et par ailleurs assez peu intéressant, il faut bien le dire –, qu’aux dynamiques explosives qui rythment la vie de sa galerie d’invraisemblables héros, faisant naître des moments souvent touchants, parfois très drôles, et toujours écrits avec la même sincérité qui colle à la peau des personnages.

Ainsi, le rôle de Pryce Cahill va comme un gant (de golf) à Owen Wilson et semble avoir été écrit sur mesure pour lui. Beau parleur inoffensif, «loser» au grand cœur et indéfectible optimiste qui doit lutter avec ses tragédies intimes, Cahill est l’archétype même des rôles qui nous ont fait connaître et adorer l’acteur texan.

Avec son charisme toujours intact, il devient l’instigateur d’une curieuse famille recomposée qui va apprendre à se connaître sur la route, au gré des compétitions du circuit amateur que Santi, armé de son seul talent dingue et accompagné d’un caddie de choix («Stick» en personne), pulvérise l’un après l’autre sans problème.

Dans le camping-car qui les trimballe d’un tournoi à l’autre, il y a aussi Mitts le grincheux, et Elena (Mariana Treviño), la mère de Santi au caractère bien trempé, pour compléter ce quatuor.

Si l’on se prend à être ému par leurs trajectoires personnelles – le passé tragique de Cahill qui a fait de lui un homme brisé a même droit à son épisode dédié, le plus surprenant du lot, tandis que la revanche qu’il attend de prendre depuis 20 ans sur son ancien ennemi sur le green constitue le meilleur ressort comique de l’histoire; les origines du caractère renfrogné de son ami Mitts; les traumatismes de Santi qui l’ont privé d’un noyau familial classique et un temps éloigné des terrains de golf; la force et la résilience incarnées par Elena –, on reste un peu plus froid face à Zero (Lilli Kay), qui rejoint la troupe en cours de route.

Mais là encore, le scénario reste transparent sur le fait que son personnage, sorte de caricature de la «Gen Z», est dégrossi par un scénariste qui a moins de points communs avec elle qu’avec les mâles blancs qu’elle passe son temps à corriger.

En somme, la distance et les secrets qui la caractérisent ne la rendent pas moins attendrissante, on manque juste de la connaître aussi bien que le reste de la bande.

On ne doute pas avoir l’occasion de le faire prochainement : alors que sa diffusion vient de se terminer, Apple TV+ vient de confirmer que la série «feel good» de l’été sera renouvelée pour une deuxième saison.