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[Critique] « Little women », quatre jeunes filles dans le vent


"Little Women" de Greta Gerwig, adaptation du roman de Louisa May Alcott, est sorti mercredi. Une relecture moderne qui dépoussière l’œuvre originale. (Photo DR)

«Encore une adaptation ciné de Little Women !», ont dû s’écrier certains en découvrant le film de Greta Gerwig parmi les sorties de mercredi. Et ça peut se comprendre : ce film est la 7e adaptation sur grand écran du roman de Louisa May Alcott sorti en 1868.

Probablement plus personne ne se rappelle de la première, muette, réalisée par Alexander Butler en 1917, mais des générations de cinéphiles ont très probablement encore en tête l’une ou l’autre des versions qui sont suivi : celle de George Cukor de 1933, la première sonore, avec Katharine Hepburn dans le rôle principal de Jo March, celle de Mervyn LeRoy de 1949, la première en couleur, avec June Allyson, ou encore celle de Gillian Armstrong, sortie beaucoup plus récemment, en 1994, avec Winona Ryder interprétant Jo – la version 2018, signée Clare Niederpruem, étant elle plutôt passée sous les radars !

Ainsi, le pitch est archi-connu, avec ces quatre sœurs de la classe moyenne de la Nouvelle-Angleterre dont le père, pasteur nordiste, est parti au front en tant qu’aumônier. On les découvre adolescentes, en ces années 1860. L’aînée, Meg, veut devenir comédienne, Jo écrivaine, Amy ne jure que par la peinture tandis que la cadette, Beth, n’aime rien de plus que passer du temps à jouer du piano. Quatre artistes en devenir, quatre jeunes femmes libres surtout qui vivent dans un univers quasi exclusivement féminin avec leur mère, qui les laisse grandir comme elles l’entendent, leur fidèle domestique, Hannah, et pas très loin, leur tante, aussi riche que vieille et célibataire.

La vie est austère mais heureuse dans leur grande demeure. Malgré quelques disputes, parfois violentes, et un brin de jalousie plus ou moins avouée, les relations sont bonnes entre les quatre sœurs. Parfaites aussi les relations avec leur riche voisin, Monsieur Laurence, et surtout son beau et petit-fils, Laurie, qui devient rapidement leur meilleur ami. Enfin, surtout celui de Jo. Le spectateur suivra ensuite leurs vies pendant plusieurs années. Vies qui amèneront Meg à se marier rapidement, Jo à devenir professeure à New York, Amy à étudier la peinture à Paris… mais aussi Beth à attraper la scarlatine.

Un film féministe

Contrairement au roman, et à la plupart des adaptations, Greta Gerwig casse dans son film la structure chronologique du récit pour proposer des nombreux allers-retours temporels. Une relecture moderne qui dépoussière, dans la forme, ce classique dont le fond reste terriblement actuel, avec ces jeunes femmes qui tiennent à décider, seules, de leur destin, qui tiennent à rester indépendantes, tout en ayant besoin d’amour pour combattre la solitude, qui tiennent à faire leurs propres expériences, malgré les qu’en-dira-t-on et le machisme ambiant et la société qui ne voit dans ces jeunes filles que de futures épouses et de futures mères.

Comédienne (Greenberg, Frances Ha, Jackie…) passée à la réalisation en 2017 avec Lady Bird, Greta Gerwig propose là un film réussi, avec un casting quatre étoiles : Saoirse Ronan, Emma Watson, Florence Pugh, Eliza Scanlen, Timothée Chalamet, Louis Garrel, etc., à la photographie exceptionnelle et aux très beaux décors. Un film résolument féministe, mais d’un féminisme qui n’exclut pas. «Pour tout le monde», note Greta Gerwig.

Reste que certains choix de la réalisatrice laissent perplexes : les allers-retours temporels finissent par perdre un peu le spectateur, la lecture de lettres face caméra par les personnages n’apporte pas grand-chose à l’ensemble et la fin… ne s’en finit pas de finir !

C’est pourquoi, malgré les bons aspects, nombreux, de son film, on a un peu de mal quand la réalisatrice crie au scandale sexiste en ne voyant pas son nom parmi les nommés dans la catégorie de la meilleure réalisation des Golden Globes ou des Oscars. #TimesUp ou pas !

Pablo Chimienti