Présenté en 2019 au festival de Toronto, ballotté au gré des fermetures de salles au Royaume-Uni et aux États-Unis, le film The Singing club a débarqué cette semaine sur Canal+. Le film n’en fait pas trop, mais déploie tous les effets de manche propres à ce genre de comédie.
C’est une évidence : le cinéma anglais adore la comédie dramatique, au point de devenir une référence du genre. En tête de gondole, on trouve bien sûr le réalisateur «social» Ken Loach, fervent soutien des oubliés de la croissance, ceux que le capitalisme sauvage massacre et abandonne. Dans une veine plus «feel good», la démonstration est aussi copieuse, comme le prouvent de nombreux films qui, prenant soin de dissimuler de trop évidents messages politiques, célèbrent l’affirmation de soi et la nécessité du collectif à grands coups de rires et de larmes.
On pense notamment à Billy Elliott (2000), mais aussi, et surtout, à The Full Monty (1997), avec cette bande d’ouvriers emportés par la crise économique qui décident de se mettre au strip-tease, façon Chippendales du pauvre. Ça tombe bien, celui qui s’est amusé à filmer leurs déhanchements pleins d’espoir, Peter Cattaneo, revient aux affaires courantes avec ce Singing Club (Military Wives en VO), après deux longs métrages qui, eux, n’ont franchement pas marqué les esprits (Opal Dream et The Rocker).
Présenté il y a plus d’un an au festival de Toronto, ballotté au gré des fermetures de salles au Royaume-Uni et aux États-Unis, le film a débarqué cette semaine sur Canal+, qui continue de remplir son programme dévolu aux films inédits en raison d’un virus et d’écrans noirs persistants. Pour donner un peu plus de poids à sa nécessité, il s’appuie sur la grande Kristin Scott Thomas, que l’on aime toujours retrouver malgré ses quelques rides (elle a fêté ses 60 ans cette année).
Car, pour le coup, ici, la caméra ne s’attarde pas sur des sidérurgistes, des mineurs, des chômeurs et d’autres exclus aux grands cœurs, mais sur des femmes de militaires qui, à leur manière, souffrent aussi. On est ainsi projeté en 2011, au cœur d’une base située dans le Yorkshire (nord de l’Angleterre). La guerre en Afghanistan fait rage, faisant plus de «morts et de blessés qu’en Irak et aux Malouines», précise-t-on dès les premières images. Les hommes partent au combat et leurs compagnes se retrouvent livrées à elles-mêmes, seules ou avec enfants, confrontées à une vie de garnison peu réjouissante. Pour tromper leur angoisse, elle décident alors de monter une chorale…
Au départ, une histoire vraie
The Singing Club, précisons-le, s’inspire d’une histoire vraie. Celle des premières Military Wives Choirs, unies pour le meilleur et le pire autour du chant. L’émission télévisée The Choir les a mises en lumière (elles se produiront même au Royal Albert Hall à l’occasion du dernier épisode), et dans la foulée, leur single Wherever You are s’est écoulé à 550 000 exemplaires. Depuis, l’idée a fait des petits : pas moins de 75 chorales (et plus de 2 300 membres) sont désormais réparties sur différentes bases militaires anglaises au Royaume-Uni et à l’étranger.
Fidèle à cet élan originel, le film n’en fait pas trop, mais déploie tous les effets de manche propres à ce genre de comédie : ainsi, à la tête de la chorale, il met face à face un duo désaccordé avec, d’un côté, Sharon Horgan (la série Catastrophe) et Kristin Scott Thomas, donc. La première, plus détendue, préfère la pop, tandis que la seconde, femme de colonel marquée dans sa chair par la disparition de son fils, insiste sur le classique et la partition. Entre les deux caractères s’épanouissent des figures féminines plus ou moins stressées, charismatiques, gouailleuses et bonnes chanteuses (forcément, l’une d’entre elles a une voix splendide). Un film qui, à l’heure du mouvement #Metoo, met donc à l’honneur des femmes courageuses qui encaissent les départs et les morts sans broncher, elles à qui l’on demande souvent de tenir bon et de se taire.
Comme son nom le suggère, The Singing Club affronte les épreuves en musique, à travers une kyrielle de tubes qui fleurent bon les années 80 – With or Without You (U2), Time After Time (Cindy Lauper), Shout (Tears for Fears) – tandis que le morceau Home Thoughts from Abroad a été composé tout spécialement par Robbie Williams et Guy Chambers. Pas suffisant, toutefois, pour gommer son côté ultraprévisible. Bien que sympathique, le film, en effet, ne parvient pas à se mettre à la hauteur d’autres références du même acabit. Dans ce sens, préférons-lui l’excellent Brassed Off (1996), avec un Ewan McGregor en jeune agitateur de fanfare. L’histoire, elle aussi, se termine avec un concert de gala au Royal Albert Hall. C’est certes moins chantant, mais gageons que les amateurs de karaoké sauront s’abstenir.
Gregory Cimatti