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[Critique Cinéma] «Dangerous Animals» : prédateurs en eaux troubles


(photo capture d'écran)

Dangerous Animals de Sean Byrne combine le thriller façon huis clos dans un bateau, la terreur animalière, le gore et le «survival» !

Il y a cinquante ans, un film promis à l’anonymat, comme tant d’autres estampillés série B produits à la pelle dans les années 1970, allait révolutionner l’histoire du cinéma et donner une peur bleue à des millions de spectateurs (et de nageurs).

En 1975, Steven Spielberg, inspiré du best-seller de Peter Benchley sorti l’année précédente, allait terroriser la planète entière avec un requin tueur qui, de sa grosse mâchoire, s’enfilait les encas en maillots de bain à proximité de la petite station balnéaire d’Amity.

La légende retient qu’en raison de problèmes sur le tournage, dont la panne de l’animal-automate qui, tout bonnement, va couler et disparaître sous les eaux, le succès va venir de la mise en scène audacieuse du jeune réalisateur et de la bande originale signée John Williams, avec ces deux notes, toutes bêtes et angoissantes, montant crescendo.

Suggérer plus que montrer : l’idée marche et sans le vouloir, Jaws (Les Dents de la mer en VF) allait inventer le concept de «blockbuster» et définitivement donner une mauvaise réputation au poisson dur à cuire.

Au cinéma, celle-ci va largement être entretenue par une myriade de films, plus ou moins réussis, plus ou moins sérieux, réunis sous l’appellation générique de «Sharksploitation», et racontés en 2024 dans un documentaire du même nom. Oui, le monstre des mers est partout, mais surtout dans le sillage d’imprudents qui se jettent à l’eau sans se méfier.

Notons, dans le lot, l’improbable saga Sharknado (2013-2018), dominant la liste de nanars consacrés au gros poisson. D’autres productions se veulent elles plus fines, comme Deep Blue Sea (2000), Open Water (2004) ou The Reef (2010). Évidemment, les costauds se mêlent aussi à la bagarre sous-marine, de Jason Statham (les deux volets de The Meg) à James Bond (Thunderball) – d’ailleurs, son ennemi à la dentition d’acier ne se nomme-t-il pas Requin ?

C’est dans un timing parfait qu’un nouveau long métrage ose plonger au cœur cet agité bouillon. Mais Dangerous Animals, comme le suggère son titre mis au pluriel, à l’élégance de ne pas mettre tous les problèmes sur le dos (ou plutôt sur l’aileron) de la bête. Son slogan le dit : «On est parfois plus en sécurité dans l’eau».

Du sang, des cris et des remous

Sur du rock’n’roll à la Creedence et son Ooby Dooby, on file directement en Australie, ses plages, son soleil et ses vagues géantes, dans le sillage de Zephyr (Hassie Harrison, de la série Yellowstone), surfeuse intrépide qui, comme le montre son tatouage, ne se laisse pas mettre en cage. C’est, au contraire, le boulot de Tucker (Jai Courtney, vu dans The Suicide Squad) qui propose aux touristes, venus se faire une frayeur, une plongée – en toute sécurité – parmi les prédateurs à nageoires.

Seul hic : lui aussi en est un, particulièrement pervers. Il adore en effet aller à la pêche avec ses clients, sauf que ceux-ci servent d’appâts ! Du sang, des cris et des remous : il n’en faut pas plus pour que les requins de toute taille ne tournent autour de l’embarcation, certains que l’heure du repas est arrivé.

Mais quand le psychopathe, amateur de «chair fraîche» et portant une énorme cicatrice laissée par un squale quand il était enfant, kidnappe Zephyr, il va tomber sur os : la jeune femme n’est pas du genre à se laisser mordre si facilement.

Drôle et multiplie les clins d’œil

Troisième film du discret et patient Sean Byrne, après The Loved Ones (2009) et The Devil’s Candy (2015), Dangerous Animals évite le piège de la facilité, à des nautiques des films de son espèce. Malin, il combine le thriller façon huis clos dans un bateau, la terreur animalière, le gore et le «survival», genre qui met à l’honneur des personnages féminins résistants et des héroïnes prêtes à en découdre avec le mâle toxique.

 

Un mix qui, malgré les larmes (salées) et l’hémoglobine (par sceau entier), arrive à être drôle et à multiplier les clins d’œil : ici, un article de presse titrant «J’ai vaincu les dents de la mer», là, une référence à Point Break ou à la chanson virale Baby Shark que fredonne le marin fêlé, quand il ne filme pas les victimes avec un caméscope et ses VHS, comme au temps de vidéoclubs où pullulaient les films horrifiques bas de gamme.

Mieux encore : avec ses moments plus sensoriels, idéalisant la figure du requin, beau et paisible quand il ne croque personne, Dangerous Animals rappelle la célèbre formule de Thomas Hobbes : l’homme est un loup (de mer) pour l’homme. Que les vacanciers se méfient tout de même et réfléchissent à ce qui fait le succès de tous ces films, avant d’aller se baigner : on ne voit jamais ce qui s’agite sous la surface de l’eau.

 

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