Cette semaine, la comédie Zaï Zaï Zaï Zaï de François Desagnat. Durée : 1h22.
Le cas Fabcaro mérite qu’on s’y intéresse, ne serait-ce qu’à travers l’étrange paradoxe qu’il véhicule : l’auteur de BD et écrivain, réputé inadaptable, voit en effet ses productions courtisées tous azimuts ! Côté séries, avec l’estampille Canal+, on trouve ainsi Moins qu’hier, plus que demain (2019) et Open Bar (2019) – cette dernière, plus fidèle, s’appuie même sur les dessins de l’auteur. Sur grand écran, c’est Laurent Tirard qui s’est amusé le premier à mettre en images l’un de ses romans, Le Discours (2020), avec plein de bonnes idées qui contredisent la méfiance initiale.
Mais là, c’est à un gros morceau que s’attaque François Desagnat avec l’adaptation de Zaï Zaï Zaï Zaï (2015), chef-d’œuvre vendu à quelque 200 000 exemplaires, multiprimé et multiadapté, en podcast d’abord, puis au théâtre (une demi-douzaine de fois). L’affaire n’est pas mince. Une première réalisatrice, Rebecca Zlotowski, s’y est cassée les dents, avant de refiler l’affaire à celui qui a fait ses classes aux côtés du déjanté Michaël Youn – La Beuze et Les Onze Commandements – avant de signer des comédies de second rang comme Le Gendre de ma vie (2018).
Oui, ça n’a rien de très rassurant… Surtout que l’univers de Fabcaro réclame un minimum de subtilité et d’audace pour coller au plus près de ses fantaisies – si cela est toutefois possible. Imaginez tout de même le défi : de longs monologues intérieurs, des dessins qui se répètent et des personnages saugrenus, perdus dans un monde tout aussi extravagant et absurde. Avouons-le : il y a plus facile comme base pour composer des histoires concrètes ! Mais le cinéma français, en surfant (avec, il est vrai, une certaine paresse) sur le succès de cet auteur, se dit qu’à défaut d’être toujours drôle, il poursuivra son intéressante mue, comme en témoignent de récentes comédies au ton décalé et à la forme singulière.
Zaï Zaï Zaï Zaï est de cette veine, un peu par obligation quand on connaît l’histoire originale : soit celle de Fabrice (incarné par Jean-Paul Rouve, grand dadais au sweat à capuche trop court) qui, faute d’avoir changé de pantalon, oublie sa carte de fidélité du magasin dans lequel il va faire ses courses. Paniqué, il menace l’agent de sécurité… avec un poireau et part en cavale direction la Lozère. Une grosse dose de non-sens à la Mel Brooks, Monty Python et Zucker-Abrahams-Zucker qui, derrière le burlesque de surface, raconte le fait divers et ses conséquences diverses sur la société entière : médias, voisins, police, famille, politiques…
Le film, où presque tout tombe à plat, est bien loin de son modèle
Peut-être trop impressionné par l’objet, ou simplement sans idées, François Desagnat a alors cherché à rester le plus fidèle possible, en dehors de quelques arrangements (le héros n’est ainsi plus dessinateur de BD, mais «acteur de comédie»). Et c’est là tout le problème : difficile pour un film de caler son rythme sur une BD comme celle-ci, dont la narration avance à sa guise, page après page, dans une logique qui lui est propre. Du coup, au cinéma, le récit prend la forme d’une succession de sketches, pas si drôle, car franchement décousue.
Bien sûr, il y a des trouvailles, comme cette idée de dystopie où tout le monde roule en Renault Captur orange… Évidemment, on apprécie que Zaï Zaï Zaï Zaï convoque une distribution généreuse, belle brochette de personnalités de la scène et du 7e art (Julie Depardieu, Ramzy Bedia, Yolande Moreau, Julie Gayet, Benjamin Biolay, Kad Merad…). Et naturellement, comme la BD est bonne, certaines scènes du film le sont aussi, notamment celle où une poignée d’artistes solidaires, style Enfoirés, chantent (faux) pour le fugitif.
Mais c’est pris dans son ensemble que l’adaptation de François Desagnat pèche. Avec sa mise en scène épurée, un jeu poussif des acteurs qui sonne creux et des dialogues à rallonge, la mayonnaise a du mal à prendre et tout (ou presque) tombe à plat. On peut regretter que le cinéaste n’ait pas lâché les chevaux, pour se mettre à la hauteur de la folie du dessinateur (détaché du projet, bien qu’on le retrouve dans le rôle d’un policier qui dessine un portrait-robot). Le film est en tout cas bien loin de son modèle. D’ailleurs, si Zaï Zaï Zaï Zaï parle beaucoup de comédie, toujours prise de haut dans le cinéma français, il ne participe en rien à sa nécessaire réhabilitation. En pleine semaine des César, c’est ballot.