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[Critique Ciné] « The War with Grandpa » : viens voir papy De Niro !


Fini le «C'est à moi que tu parles ?» à la Taxi Driver. Désormais, devant sa glace, De Niro se rase. Ah, la vieillesse... (photo DR)

Robert De Niro, 77 ans, légende du cinéma, s’affiche de plus en plus dans des comédies potaches faciles et vite résumées. La vieillesse serait-elle vraiment un naufrage ?

Robert De Niro serait-il un homme pragmatique ? Au début des années 2000 s’est-il regardé dans la glace, genre Taxi Driver, pour voir qu’il n’avait plus cette même prestance d’antan, ce regard sévère et intelligent qui a fait de lui le monstre de cinéma qu’il est à travers des rôles magistraux (Raging Bull, Le Parrain 2, Voyage au bout de l’enfer, Heat, Les Nerfs à vif, 1900…). S’est-il dit, un peu las : «Bon, allez, c’est l’heure, je vais désormais faire des comédies !» Et pas n’importe lesquelles non plus, du bien lourd avec tous les artifices de circonstance : scénario léger, personnages stéréotypés et, quand ce n’est pas trop potache, l’éternelle «happy-end» avec gros câlins devant et petite morale derrière.

Oui, il y a des choix de carrière qui interrogent, chose sur laquelle s’est justement penché, il y a quelque temps, l’illustrateur James Chapman, qui est allé compiler les notes des films de son acteur fétiche sur le site de référence Rotten Tomatoes, et ainsi en tirer une moyenne d’appréciations, sorte de chronologie d’un désastre annoncé. Son constat est en effet sans appel : après 2002, en dehors d’un trop rare sursaut d’orgueil (Happiness Therapy), Robert De Niro enchaîne les flops (Last Vegas, Malavita) et films de bas étage, dans lesquels il joue une caricature de lui-même (à l’instar des Mafia Blues, comme de la trilogie Mon beau-père et moi…).

Au palmarès du plus mauvais, l’édifiant Dirty Papy (2016) tient sûrement la dragée haute, avec un Zac Efron bodybuildé et notre bon Bob qui touche là le fond dans la peau d’un obsédé sexuel à l’humour ordurier. Que fallait-il donc attendre de ce War with Grandpa (Mon grand-père et moi en français), où De Niro endosse à nouveau le rôle du papy ? Pas grand-chose en dehors d’une évidence : celui-ci sera bien plus soft, car on est dans la comédie familiale qui, en quelque sorte, ramène à un modèle du genre : Maman, j’ai raté l’avion! (1990), avec cette tête à claques de Macaulay Culkin et – le hasard fait bien les choses – un certain Joe Pesci, lui aussi loin de son registre de mafieux cinglé.

Lifting numérique

Car oui, on est ici dans une sorte de jeu du chat et de la souris (avec son lot de farces et attrapes), et ce, sur fond de conflit entre générations. L’histoire est celle de Peter (Oakes Fegley), un môme de 10 ans qui, à la demande de ses parents, doit libérer sa chambre pour son grand-père et s’installer, à contrecœur, au grenier. Ses copains lui conseillent de ne pas céder, et comme l’aïeul est fait du même bois, ça coince… Bref, c’est la guerre, comme ils disent, et chacun y va de ses coups tordus.

C’est assez mince, en effet, mais le réalisateur Tim Hill (essentiellement connu pour ses films d’animation) cherche à donner un peu plus d’épaisseur à son projet grâce à un casting costaud, censé combler les vides : Uma Thurman, Christopher Walken et Cheech Marin, rien que ça ! Malgré tout, le film se résume à ce que l’on peut voir sur l’affiche, à savoir une comédie prévisible et jetable, mais fidèle à ce que l’on doit attendre d’une telle forme.

Au milieu de sac d’école qui explose, de serpent, de chaise qui casse et de père Noël catapulté lors d’une chaotique fête d’anniversaire, Robert De Niro accepte sa vieillesse et ses choix professionnels. Après tout, n’est-ce pas l’apanage de l’âge et le privilège du mythe que de se sentir dégagé de toute pression ? Jouer dans des navets et s’en moquer, puisque l’on n’a plus rien à prouver et que le portefeuille continue, aussi, de se remplir. Et c’est toujours mieux qu’un lifting numérique (The Irishman, 2019). Car même rajeuni de 40 ans grâce à son copain Scorsese, l’acteur n’a plus la même tenue, ni la même vigueur. Autant s’en accommoder. Ainsi va la vie.

Grégory Cimatti