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[Critique ciné] « The Gentlemen » : le cannabis, un univers impitoyable


Dans ce film, on retrouve un Matthew McConaughey au top en boss gentleman. (photo DR)

Oublié l’affligeant Aladdin sorti l’an dernier (qui a néanmoins récolte plus d’un milliard de dollars de recettes mondiales), oublié aussi le très moyen King Arthur : Legend of the Sword de 2017. Le réalisateur britannique Guy Ritchie, qui nous a régalés avec des films bien barrés, pleins de flingues, d’adrénaline, mais aussi de dialogues consistant, crus et un humour décalé comme Lock, Stock and Two Smoking Barrels (1998), Snatch (2000) ou encore The Man from U.N.C.L.E. (2015), est de retour avec le très explosif The Gentlemen.

Si l’affiche, quand on la regarde de loin, fait penser à un nouvel épisode de la saga de Matthew Vaughn, Kingsman, c’est bien un Guy Ritchie pur jus que propose là le cinéaste. Un grand film de gangsters qui se disputent le marché tant britannique qu’européen de la drogue. Enfin, du cannabis ! Car le «boss», Mickey Pearson, n’aime pas les drogues dures, celles qui tuent. Ce n’est pas bon pour la société, et pas bon non plus pour les affaires.

Une affaire dans laquelle s’est imposé depuis ses années d’études cet Américain installé à Londres. Issu d’une famille vivant dans un mobile home, mais assez intelligent pour remporter une bourse dans une grande université, il a vite vu ce que pouvait lui rapporter le fait de proposer quelques grammes de ces herbes récréatives à ses riches amis issus de bonnes familles bourgeoises, voire nobles.

Et s’il est devenu ce qu’il appelle lui-même le «king of the jungle», c’est grâce aussi bien à la qualité de ses produits venus de ses fermes secrètes où il fait pousser cet or vert et à des canaux de distribution ultradiscrets qu’à l’extrême violence avec laquelle lui et ses acolytes ont su, au fur et à mesure, se débarrasser de toute concurrence embarrassante. Sans oublier, et c’est ce qui fait toute la différence entre Mickey Pearson et d’autres grands barons de la drogue, ses relations privilégiées avec la haute bourgeoisie, voire l’aristocratie britannique.

Mais voilà qu’à l’aube de la cinquantaine, le boss s’est embourgeoisé. Il tient à profiter de son argent, de sa femme et du temps qu’il lui reste. Il décide donc de vendre son affaire. Une décision qui va, malgré lui, déclencher une guerre explosive entre chantages, complots, trahisons, corruption, kidnappings et, bien évidemment, une bonne dose de cadavres.

Plaisir coupable

The Gentlemen est un régal. Ultravitaminé, ultranerveux, ultrastylisé, le film se regarde avec une sorte de plaisir coupable. Derrière chaque plan, le réalisateur cache une surprise, un twist malin, un nouveau personnage d’importance, un effet filmique inattendu. Mais jamais, au grand jamais, on n’est là dans l’effet de manche, dans le simple délire de cinéaste. Comme toujours dans les (bons) films de Guy Ritchie, chaque détail compte. Chaque fausse piste ouverte par le réalisateur, chaque parenthèse, etc., finira par apporter un véritable plus à ce récit on ne peut plus alambiqué, mais finalement on ne peut plus clair. Un sacré coup de force !

Un coup de force décuplé par un casting hors norme. Avec un Matthew McConaughey au top en boss gentleman, un énorme Charles Hunnam dans le rôle de son homme de confiance, mais aussi trois acteurs utilisés en total contre-emploi par rapport à leurs carrière respectives : Michelle Dockery, qui casse là son image proprette de Downton Abbey, en interprétant la femme et complice de Mickey, Colin Farrell en coach de boxe un peu loser et «grand frère» d’une bande d’ados qui veulent jouer les caïds, et Hugh Grant en journaliste-détective privé véreux qui essaye de faire chanter tout ce beau monde. C’est d’ailleurs de sa bouche que le spectateur découvre la grande majorité de l’histoire. Réelle ou fantasmée ? On ne le saura pas (a priori réelle, quand même, l’homme semble bien informé !). Mais peu importe !

En tout cas, l’ensemble est stylé, décoiffant, soutenu, drôle, pertinent, jouissif. Du Guy Ritchie à son meilleur !

Pablo Chimienti