La semaine où le football retrouve un semblant de normalité, avec le retour de la Ligue des champions, Netflix promet parallèlement de lever le mystère entourant l’un des joueurs français les plus controversés du ballon rond : Nicolas Anelka.
Dès les premières minutes, alors qu’on voit l’ex-attaquant gravir les dunes du désert de Dubai, où le désormais retraité (41 ans) vit avec femme et enfants, une formule tape-à-l’œil donne le ton : «Tout ce que j’ai fait, ne le fais pas car tu vas te mettre tout le monde à dos.» Oui, l’intention est claire : l’ancien du PSG, du Real Madrid ou encore de Chelsea serait un mal-aimé, un sucre sur la dent cariée, le mec qui dégoupille trop vite dans un sport où il est de bon ton de faire comme les autres, c’est-à-dire le dos rond (du moins en apparence).
Lever les zones d’ombre et montrer la bonne foi du joueur, à la fois taiseux et grande gueule, peu à l’aise dans un milieu où la vérité n’est pas bonne à dire et en délicatesse avec les médias, voilà l’objectif du réalisateur Franck Nataf, un proche, précisons-le. En somme, réhabiliter l’homme à travers un film de communication qui se donne les moyens de convaincre son public, convoquant sous l’œil de la caméra d’anciens coéquipiers, entraîneurs, journalistes… le tout entrecoupé de nombreuses images d’archives, propres à l’exercice biographique. Au bout, il s’agit de répondre à la question, centrale : pourquoi Anelka est-il incompris ?
Soyons honnête, le documentaire, assez ronflant et hagiographique, n’y parvient pas, donnant tout de même une image plus sereine de ce révolté des vestiaires. On le voit ainsi avec sa famille, papa coach et fidèle à ses racines martiniquaises. On dit que son apparente arrogance tient surtout d’une farouche timidité. Et bien que son destin, selon ses mots, était de faire de lui une «star», son rapport à l’Histoire, comme au succès, reste modeste. Pour lui, l’important, c’est qu’on se souvienne des bons matches. La vérité du terrain, comme on dit… D’ailleurs, il ne sait plus combien de buts il a marqué et il se plante sur la date de sa seule Ligue des champions, gagnée avec le Real (2000). Le trophée, lui, est même entreposé au milieu de cartons, oublié sur une étagère qui prend la poussière… Souvenons-nous alors pour lui des faits de gloire, son doublé Coupe-championnat avec Arsenal (1998), ses deux réalisations historiques à Wembley avec les Bleus (1999), son contrôle orienté «casse-reins» contre le Portugal pour servir son pote de l’INF Clairefontaine, Thierry Henry, en demi-finale du championnat d’Europe (2000), sans oublier quelques frappes bien senties et courses folles, en tout bon n° 9, vif et puissant, qui se respecte.
Des justifications pas très limpides
Des éclats sur gazon qui, malheureusement pour lui (et pour les clubs dans lesquels il a joué), sont rapidement étouffés par d’autres, moins glorieux. Et là, les justifications de l’intéressé sont moins limpides. Qu’importe : étant croyant, le seul jugement sur sa personne appartient à Dieu, et non «aux gens»… Mais tout pourrait se résumer ainsi, comme le fait Arsène Wenger : «Son problème est celui de tous les jeunes qui réussissent trop tôt, qui peuvent vite se satisfaire de trop peu.» Comprendre qu’à force d’avoir la grosse tête, on ne supporte plus la moindre contrariété. Du coup avec lui, la moindre brindille s’enflamme, pour de simples banalités, au Real, au PSG (dont son retour manqué, entre 2000 et 2002, est passé sous silence), à Liverpool, en équipe de France…
Les deux épisodes les plus polémiques sont eux abordés sans aucune opposition : sa quenelle «made in Dieudonné» ne serait qu’une réponse à son ancien entraîneur à West Bromwich, Steve Clark (2013). Quant à l’épisode de Knysna (2010), il n’avoue jamais ce qu’il a dit vraiment à Raymond Domenech, point d’orgue de la déconfiture de la Coupe du monde en Afrique du Sud. C’est vrai, on aurait aimé des contre-voix (Denisot, Fernandez, Sanz, Houiller, Santini…) pour que l’ensemble soit moins lisse et orienté.
Au mieux, on le plaint du traitement des médias, dont il est une cible de choix (Marca, L’Équipe, la presse anglaise) ou sur la réappropriation politique de son image (son «clan» familial, ses origines banlieusards, confère Roselyne Bachelot et les «caïds immatures»). Au pire, on se demande pourquoi il est toujours à cran comme ça, alors que, selon lui, son «enfance a été heureuse» et que son boulot lui plaît. Et comment, en se construisant progressivement un statut de rebelle (malgré lui?), il s’est mis, comme il le dit en introduction, «tout le monde à dos». Pour les amateurs de ballon, il en reste surtout un gâchis monumental, justifié par des sautes d’humeur, des caprices ou une communication vacillante. Rappelons-lui tout de même qu’il existe une vérité incontournable : le football se joue en équipe et les grands joueurs, aussi égocentriques soient-ils, se mettent au service du collectif. Pour mieux briller, se construire une histoire, un palmarès… Celui d’Anelka est bien maigre, mais il aurait sûrement répondu qu’il s’en fout. Un film lui suffit.
Grégory Cimatti
Anelka l’Imcompris, de Franck Nataf