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[Critique ciné] Miss Devos et son chauffeur


Le film cherche à rester dans les clous. Pas de romance (ouf), mais pas d'éclats dramatiques ni d'excès comiques non plus. Ça file droit, sans défaut majeur ni qualité notable. (Photo : DR)

Au cinéma, il y a un procédé qui marche toujours bien : prenez deux personnages, d’emblée plutôt différents, et faites-leur faire un bout de route ensemble. À la fin du voyage, chacun aura appris de l’autre, comme le suggèrent notamment deux films, oscarisés : Miss Daisy et son chauffeur (1989) et le plus récent Green Book (2018).

Une recette qu’apprécie également Grégory Magne, mais à sa manière, optant lui pour la légèreté de la comédie, avec un petit soupçon de social dedans. Pour preuve, son premier long métrage, déjà ancien (L’Air de rien, 2012), dans lequel l’acteur Grégory Magne partait en virée musicale… avec le chanteur Michel Delpech !

Là, on retrouve le comédien (de la série Dix pour cent) dans la peau de Guillaume, quadragénaire en plein divorce, qui cherche à obtenir la garde alternée pour s’occuper de sa fille, 10 ans. C’est au volant d’une berline qu’il rencontre Anne Walberg (Emmanuelle Devos), ancienne diva du parfum, un «nez» comme on dit dans le métier, auparavant courtisée par les plus grandes marques et aujourd’hui réduite à imaginer des fragrances pour déodorants ou litières. Bref, deux âmes en peine qui, malgré leurs discordances, vont s’entraider et s’influencer pour se sortir de leur lassitude…

Faire un film sur le parfum n’est pas une mince affaire. D’ailleurs, en dehors de la version pour grand écran du chef-d’œuvre littéraire de Patrick Süskind (Le Parfum, 1985), peu de réalisateurs se sont aventurés sur ce terrain complexe, sauf à placer un rôle de parfumeur dans leur casting (Le Sauvage, Prête-moi ta main…). Sans oublier, bien sûr, l’expérience en «odorama» proposée par ce cinglé de John Waters avec Polyester (1981). Saluons donc le geste de Grégory Magne qui, avec sensibilité, cherche à donner du corps à l’odeur, notamment à travers les gestes de son actrice, touchant, frottant, tordant les objets pour en déceler les senteurs cachées. Dans son sillage, son désormais homme à tout faire (chauffeur, assistant, agent, conseiller) tombe lui aussi dans une même frénésie : celle de ne plus pouvoir s’empêcher de tout sentir (gel douche, drap de lit…).

Parallèlement, Les Parfums, à travers son tandem dépareillé mais bienveillant, n’évite pas l’erreur de recopier la formule, récurrente dans un certain cinéma français branché «feel good movie» : oui, il est possible de s’affranchir de sa condition (comme quitter sa banlieue, joliment filmée ici) et de s’offrir un nouvel avenir. Et en dehors de quelques bonnes idées – notamment celle de faire jouer Gustave Kervern, invraisemblable chef d’entreprise qui accueille ses chauffeurs au beau milieu d’un restaurant chinois, et souvent en plein repas –, le reste manque justement de piquant.

C’est un fait, mais le film cherche à rester dans les clous. Pas de romance (ouf), mais pas d’éclats dramatiques ni d’excès comiques non plus. Ça file droit, sans défaut majeur ni qualité notable. Soulignons, pour conclure, que pour mieux plonger dans ce royaume évanescent des senteurs, impalpables, c’est Gaëtan Roussel (Louise Attaque) qui se charge de la bande-son. Coquin, chacun de ses instrumentaux est baptisé d’un simple numéro. Rien ne dit que le n° 5 soit meilleur que les autres.

Grégory Cimatti

Les Parfums, de Grégory Magne.

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