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[On l’a visionné] Docteur Diego et Mister Maradona


Avec le Napoli, Maradona remportera deux championnats d'Italie, une Coupe et une Supercoupe d'Italie et une Coupe UEFA. (photo AFP)

«Le Maradona footballeur a disparu. Tout ce qu’il nous reste, c’est le mythe…» Sorti mercredi en salles, le documentaire d’Asif Kapadia, sobrement intitulé Diego Maradona, présente des images inédites issues des archives personnelles du footballeur.

Nous sommes le 5 juillet 1984 à Naples, ville grouillante du sud de l’Italie. Son club, le SCC Napoli, qui s’est sauvé de peu la saison dernière de la relégation, vient de se payer, un peu à la surprise générale, le meilleur joueur du monde, l’Argentin Diego Maradona, pour un montant record (5,75 millions d’euros). Pour les gens du Sud, réputés pauvres, moqués ostensiblement par ceux du Nord, son arrivée est un formidable élan d’espoir. On embarque d’emblée dans ses pas, notamment lors de sa présentation digne d’une rock star au stade San Paolo, dans une effervescence de fou. Les flashs crépitent et les «Diego, Diego, Diego, Diego!!!» résonnent de toutes parts.«Je ne connaissais ni Naples ni l’Italie, mais à Barcelone, je me sentais déclassé…»

Va donc pour un nouveau défi sportif en Serie A, le championnat le plus riche et le plus puissant du monde. Les débuts sont difficiles, Maradona doit s’adapter à un foot plus rugueux. Mais, à base de buts, de dribbles chaloupés, d’ouvertures lumineuses, le numéro 10 met rapidement tout le monde d’accord. «El Pibe del oro» devient champion du monde avec l’Albiceleste en 1986, avec ces deux buts mémorables en quart de finale contre l’Angleterre – un but de la main puis le «but du siècle» où la star part du milieu de terrain pour dribbler toute l’équipe adverse et marquer – qui résument assez bien son caractère : «Un zeste de triche et beaucoup de génie», dira un journaliste italien. Dans la foulée, en 1987, «il Capitano» remporte le Scudetto. Avec Naples, l’exubérante, la Méditerranéennec’est l’amour fou.

«Les Napolitains étaient les Africains de l’Italie»

«C’est le plus beau moment de ma vie! (…) Gagner le championnat avec le Napoli, c’est incroyable, comme si j’avais remporté la Coupe du monde… Mais là c’est plus fort, car ici c’est chez moi! » C’est aussi malheureusement le début de la fin. À Naples, la joie est immense, la fête dure… 2 mois! Sauf qu’entretemps, Maradona y a pris goût : il ne peut plus se passer des soirées arrosées, de son rail de coke, de sa Ferrari Testarossades belles femmes voire des prostituées. Il mène une vie dissolue, mais ses excès sont alors couverts par le «vrai Naples», celui des bandits, la Camorra des frères Giuliano, qui lui offrent de la drogue, des filles et des Rolex en or à tour de bras.

Jusqu’à ce que progressivement tout l’édifice s’écroule… Il élimine l’Italie de «sa» Coupe du monde en 1990, demande plusieurs fois à partir du club bleu azur. Le président Corrado Ferlaino, «son geôlier», met son veto. Mais le mal est fait. Au fil des années, les Napolitains sont lassés de ses frasques à répétition. La rupture, elle, semble inéluctable. La Mafia le lâche, le laisse se noyer, seul. Contrôlé positif à la cocaïne en 1991, sa vie peu à peu lui échappe…

Au fond, c’est peut-être un peu de tout cela qui le rend si attendrissant, l’Argentin, c’est qu’il est profondément humain. Mi-ange, mi-démon. Docteur Diego et Mister Maradona. Mais «le petit merdeux des bidonvilles de Villa Fiorito» devenu «dieu vivant» aux yeux des Napolitains aura néanmoins réussi à sortir sa famiglia de la misère et rendre fière sa mama (Doña Tota). Et aura, accessoirement, fait rêver des millions de footeux, car c’est balle au pied qu’il s’exprimait le mieux : «Quand on entre sur la pelouse, on oublie sa vie, on oublie ses problèmes, on oublie tout!»

Ismaël Bouchafra-Hennequin