Nina et Madeleine sont deux dames âgées qui vivent au même étage d’un immeuble sans histoires d’une petite ville dans le sud de la France. Deux voisines de palier qui profitent de vivre au dernier étage pour laisser régulièrement ouvertes les portes de leurs appartements, histoire de créer un espace commun de vie, de partage.
Deux appartements qui leur servent, avant tout, d’alibi social. Car les deux femmes partagent bien plus qu’un thé et des gâteaux pendant l’après-midi ou une balade de temps en temps. Mado et Nina s’aiment. Elles partagent leur vie, leur intimité, depuis des années maintenant, mais en secret. Car Mado a eu un mari avant de rencontrer la blonde qui fera chavirer son cœur. Un mari et des enfants.
«Ça vous pose un problème les vieilles gouines ?»
Si le premier n’est plus là, elle ne tient absolument pas que sa fille Anne et son fils Frédéric apprennent que leur mère a une nouvelle relation affective, homosexuelle qui plus est. D’autant que si la relation entre Mado et Anne est plutôt bonne, celle de la mère avec Frédéric est déjà très compliquée. De ce fait, pour ses héritiers, Nina n’est qu’une voisine, fort sympathique et avenante, mais sans plus.
Pourtant Mado et Nina ont l’intention de vendre leurs propriétés – estimées par un agent immobilier à 500 000 euros tout de même – pour s’installer, enfin, vraiment ensemble à Rome. Mais encore une fois, par crainte des qu’en-dira-t-on, de le réaction de ses deux enfants, Mado finit par hésiter, ce qui va être à l’origine d’une dispute d’une rare violence verbale entre les deux femmes. «Ça vous pose un problème les vieilles gouines ?», demandera même, devant Mado, Nina à l’agent immobilier. «Tu vois Mado, tout le monde s’en fout», ajoutera-t-elle envers sa compagne.
Le même jour, Madeleine sera victime d’un AVC qui la laissera muette et grabataire. Une situation qui va brusquement ramener Mado et Nina à leur réalité sociale : celle de deux voisines, sans plus. Nina se trouve désormais exclue de toutes les décisions en lien avec la santé de Mado, son quotidien, son avenir… Une séparation que les deux femmes vont avoir beaucoup de mal à accepter.
Premier long métrage du réalisateur italien Filippo Meneghetti, Deux est une coproduction franco-belgo-luxembourgeoise (Tarantula). Présenté en première mondiale dans la section «Discovery» du Toronto International Film Festival, le film est un drame sans pathos inutile. Une histoire d’amour entre deux personnes âgées, entre deux femmes. «Les personnages auraient pu être un homme et une femme», dit le réalisateur dans ses notes d’intention. Et il est vrai qu’il n’est pas vraiment ici question d’homophonie, même si le thème est sous-jacent. Le sujet ici est plutôt le regard des autres – de ses enfants en ce qui concerne Mado – et son acceptation. L’autocensure aussi, avec cette femme qui s’interdit de vivre son amour au grand jour, sans aucune raison valable, sinon la crainte de ce que ses enfants pourraient en penser. «Tout ce qui s’écarte de la norme m’intéresse», ajoute Filippo Meneghetti.
Tout en retenue, en sobriété, distillant goutte à goutte les preuves et la profondeur de cet amour, avec de longs moments silencieux et une caméra discrète aussi bien dans les moments tristes que les instants de joie, Deux est un film marquant. Martine Chevallier et Barbara Sukowa donnent beaucoup de profondeur, d’humanité, aux personnages de Mado et Nina. Deux personnages loin d’être parfaits, qui n’hésitent pas à mentir, voire à manipuler quand cela s’avère nécessaire. Elles sont accompagnées sur le projet par une ribambelle de comédiens luxembourgeois, dont Jérôme Varanfrain dans le rôle de Frédéric, mais aussi Hervé Sogne, Eugénie Anselin, Véronique Fauconnet, Aude-Laurence Biver ou encore Denis Jousselin.
Il n’y a que le prégénérique dont le sens nous échappe totalement. Rien de grave, ça ne représente que 2 minutes sur 1h35 de film.
Pablo Chimienti
En salles mercredi. Avant-première : lundi à 19h, au ciné Utopia.