Cette semaine, Comment je suis devenu super-héros, le nouveau film fantastique/polar de Douglas Attal avec Pio Marmai, Leïla Bekhti, Vimala Pons, Benoît Poelvoorde… Dispo sur Netflix !
Depuis le premier Superman en 1978, avec une titanesque accélération durant les années 2000, les États-Unis sont sans rival pour ce qui est des blockbusters à cape et en collant, puisant sans relâche dans la galerie de personnages offerte par Marvel et DC Comics. Malgré la surabondance du catalogue et le désordre des sagas sans fin, alourdies de «prequel» et «spin-off», Douglas Attal, tout jeune réalisateur, y va de sa proposition, musclée : signer un film de superhéros à la française, entreprise très casse-gueule et unique qui, avouons-le, ne manque pas d’audace.
Son seul pouvoir ? Être bien accompagné. D’abord par son père, le producteur Alain Attal (Ne le dis à personne, Polisse…), qui appuie là le premier long métrage du fiston. Ensuite par le livre éponyme de Gérald Bronner (2007), qui lui a donné la base de son histoire (qu’il déplace de New York à Paris). Enfin par Netflix, qui lui a permis de se raccrocher aux branches après la fermeture des salles obscures (son film devait sortir en octobre 2020). Afin de se sentir encore plus rassuré, le cinéaste en herbe s’entoure ici d’un casting qui (d)étonne : Pio Marmai, Leïla Bekhti et Benoît Poelvoorde. Un argument de séduction à lui tout seul.
On découvre le trio en 2020. Le premier joue le rôle du lieutenant Moreau, seul, dépressif, qui «connaît un passage à vide» depuis dix ans. Il doit faire équipe avec Cécile Schaltzmann (Vimala Pons), une recrue débarquée de la brigade financière. Le tandem va pouvoir compter sur les deux autres, alias Monté Carlo et Callista, des anciens justiciers, pour stopper le trafic d’une mystérieuse substance qui donne des superpouvoirs à ceux qui n’en ont pas… Car oui, dans Comment je suis devenu super-héros, les surhommes sont parfaitement intégrés à la société. On les découvre d’ailleurs à la télévision, sur YouTube, dans la rue et même au théâtre : Tonic Girl, Eclipso, Fureur, Mr. Cold…
C’est dit, Douglas Attal fait le choix du réalisme : il filme Paris des quartiers populaires à la Tour Eiffel, emmène ses héros chez le psychiatre, déroule les bulletins d’informations depuis BFM, France 3 ou encore CNews. Un univers terre à terre à la Batman et Watchmen, fait de héros fragiles et d’âmes tourmentées, placés ici au cœur d’un polar «à la française». Un choix qui se tient et se comprend : pourquoi vouloir singer Hollywood, surtout avec un budget modeste (15 millions d’euros, soit en gros le dixième des productions américaines du genre).*
À grand pouvoir, grandes responsabilités !
Préférant le drame au second degré, le cinéaste évite donc le mimétisme, sauf dans les thématiques abordées : la notion d’héroïsme, la quête identitaire, le Bien et le Mal, le temps qui passe… Ses personnages – notamment Benoît Poelvoorde en superhéros «vintage» et Leïla Bekhti en «punk à chien» à la mèche violette – sont ainsi rongés par des questions existentielles : que faire de son pouvoir de téléportation quand on a la maladie de Parkinson ? Où commence le rôle de justicière, et où s’arrête celui d’éducatrice ? Mieux, dans un geste honorable, Douglas Attal ne néglige pas les effets spéciaux, certes pas spectaculaires mais bien menés.
Bien sûr, surtout pour un premier film, il y a des choses qui passent plus difficilement : la pauvreté des dialogues (une mauvaise habitude de la fiction française), des intrigues et figures qui manquent d’ampleur (comme le super-vilain, Naja, incarné par Swann Arlaud), des scènes de combats plus que poussives, et quelques clichés évitables (genre «bon flic-mauvais flic»). Malgré tout, au final, Comment je suis devenu super-héros reste honnête. Comme ses personnages, il ne roule pas des épaules. Oxmo Puccino et Nemir le chantent d’ailleurs dans le morceau Super-Bien : «J’suis pas un super-héros, j’ai déjà des problèmes normaux».
En outre, le film rappelle aussi que, dans l’Hexagone, ces histoires de justiciers ne sont pas nouvelles : dans la première moitié du XXe siècle, la France a eu ses modèles, comme Le Terrible Lynx, L’Oiselle, Atomas, Judex, L’Aviateur, Fantax, Nyctalope et autres Fulguros. Sans oublier Fantômas ! Un passé que semble vouloir déterrer son cinéma, pour mieux surfer sur la mode, comme le prouvent les récentes tentatives – la série Hero Corp (2008-2017), The Prodigies (2011), Black Snake (2017), Angle Mort (2019). Comment je suis devenu super-héros pourrait-il alors oser une suite ? Douglas Attal, en confiance, répondrait sûrement par ceci : «À grand pouvoir, grandes responsabilités !»
Grégory Cimatti