Depuis plusieurs décennies, Paul Verhoeven planche sur un immense récit de la vie de Jésus-Christ, une biographie qu’il cherche toujours à monter au cinéma.
De la vie de Jésus, à laquelle il s’est intéressé dès les années 1980, il en a certes fait un livre, paru en 2008, mais le langage du Néerlandais se compose essentiellement de mots et d’images, les deux combinés, et ces dernières manquent cruellement à son Jésus de Nazareth. Mais en bon génie de la malice – et tout concours de circonstances mis à part –, Verhoeven parvient à son objectif. Le réalisateur de Starship Troopers (1997), Showgirls (1995) ou encore RoboCop (1987) n’a pas son pareil pour amener le spectateur à suivre ses entreprises hyperboliques au ton désarmant. Il va ainsi sans dire que l’histoire vraie de Benedetta Carlini, nonne ayant vécu toute sa vie dans un couvent dans la Toscane du XVIIe siècle ravagée par la peste, faiseuse de miracles puis jugée pour saphisme, était du pain béni pour le plus magnifique des parias d’Hollywood, revenu en Europe au milieu des années 2000.
Après lui avoir confié le rôle d’une grenouille de bénitier dans le thriller à l’humour noir Elle (2016), le cinéaste néerlandais offre à Virginie Efira le rôle de Benedetta Carlini, qu’elle incarne magistralement. Et, à travers elle, réalise d’une certaine manière son grand film sur Jésus, en plaçant l’action 1 600 ans plus tard et avec pour héroïne l’«épouse» du Christ. Le changement de point de vue, le traitement décalé et excessif de son sujet, Paul Verhoeven n’en est pas seulement coutumier : c’est le parti pris qui caractérise l’entièreté de sa carrière. De fait, Benedetta s’inscrit parfaitement dans le prolongement de cette radicalité qui est la sienne.
Paul Verhoeven fait converger toutes les obsessions qui traversent son cinéma, avec une flamboyance qui évoque celle des maîtres flamands
Le goût facétieux du scandale, Verhoeven l’a toujours eu, et il a su en maîtriser l’art dès ses premières folies post-soixante-huitardes au surréalisme prononcé et à l’érotisme omniprésent. Avec Benedetta, le cinéaste y trouve largement son compte. Il fait converger dans ce nouveau film toutes les obsessions qui traversent son cinéma : la satire politico-cléricale, le portrait ambigu d’une femme à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession, la violence graphique et morale, le sexe et l’humour (très) noir. Le tout avec une flamboyance qui évoque celle des maîtres flamands de la peinture autant qu’elle rappelle ses précédents Flesh + Blood (1986) et Showgirls.
Tout en faisant cohabiter le tragique et le comique, le sacré et le profane, l’élégance et l’excès, le véritable et le simulé, le Néerlandais de 83 ans s’emploie – enfin? – à parler d’amours, au pluriel. Celui, entier, que Benedetta voue à ce Messie qui apparaît dans ses visions, et celui, charnel avant tout, qu’elle découvre avec sœur Bartolomea (Daphné Pataki), en cachette de l’abbesse (Charlotte Rampling) et du nonce (Lambert Wilson). Mais là encore, Paul Verhoeven, qui coécrit le film – après l’avoir longuement développé avec Jean-Claude Carrière puis avec son scénariste historique, Gerard Soeteman –, joue avec les anomalies. La question est moins de savoir, comme le cherchent les personnages, si Benedetta est faiseuse de miracles ou manipulatrice, que de se demander dans quelle mesure son amour pour l’un affecte son amour pour l’autre, tout en ne briguant que sa propre satisfaction.
L’obscur objet du désir de Benedetta n’existe finalement que dans sa propre tête, mais elle le réalise physiquement, transgressant par la même occasion les pires interdits. Et au fur et à mesure qu’elle persiste, le film s’éloigne peu à peu de sa mise en scène populaire pour se muer en un spectacle – littéralement – baroque et poétique, où l’on échange des dialogues assassins d’une drôlerie ravageuse. Avec même une certaine intuition, le réalisateur, qui a pourtant tourné Benedetta en 2018, amène quelques échos rédempteurs à l’actualité récente en plaçant le spectateur au cœur d’un village confiné pour échapper à la peste. Provocateur oui, mais jamais gratuitement, Verhoeven renoue avec le style de ses grands opéras incisifs après avoir joué sur le tableau de la retenue visuelle dans Black Book (2006) et Elle, et dirige l’un de ses longs métrages les plus exhaustifs. Ce n’est pas un miracle, juste une suite logique; néanmoins, il faut le voir pour le croire.
Valentin Maniglia
Je viens de lire quelques lignes de cet article de l’histoire théâtral de ladite ‘’ Benedetta » « , et j’ai vu des scènes de cette pièce de théâtre j’étais influencé de ce beau travail…je n’ai pas pu terminer je me trouve au poste travaille…mais, surement dès que j’ai le temps d’un repos je termine à lire et à visionner l’histoire qu’ils m’attirent profondément. Mes remerciements les plus sincères.