Les initiatives se multiplient pour que la culture au Luxembourg puisse continuer à vivre malgré le confinement. C’est ainsi que les musiciens Pit Dahm et Pol Belardi ont créé les «Crazy Quarantine Sessions».
Alors que l’industrie culturelle est en crise et que les mesures prises pour lutter contre le Covid-19 ont mené au confinement de la population, de nouvelles formes de manifestations culturelles prennent forme sur internet. Au Luxembourg, c’est Serge Tonnar qui a été le premier à réagir, immédiatement après la fermeture des salles de concert et des théâtres (lire notre édition du 17 mars), mais d’autres initiatives ont vu le jour depuis, comme celle emmenée par les musiciens Pit Dahm et Pol Belardi. Sous le nom de «Crazy Quarantine Sessions», les «jazzmen» proposent à des musiciens du Grand-Duché de tous horizons d’enregistrer une session de vingt à trente minutes, retransmise ensuite en direct sur leur page Facebook, puis disponibles par la suite sur leur chaîne YouTube.
«Les vidéos sont enregistrées avant parce qu’on fait des collaborations à distance, et ce n’est pas possible d’avoir tout le monde en même temps, explique Pit Dahm. En plus, on veut garantir une qualité de son et d’image supérieure», impossible à obtenir en se filmant en direct de chez soi avec son téléphone portable. Avec d’autres musiciens de jazz, Niels Engel et Jérôme Klein, et l’ingénieur du son Charles Stoltz, Pit Dahm et Pol Belardi, en lançant les «Crazy Quarantine Sessions», ne savaient pas exactement où ils mettaient les pieds.
C’est vite devenu un boulot à temps plein.
On passe toutes nos journées dessus !
Pour Pit Dahm, proposer trois à quatre évènements par semaine «pendant deux, trois semaines voire plus d’un mois, c’était quelque chose qu’on n’avait pas prévu. Mais c’est très vite devenu un boulot à temps plein. On est cinq, et on passe toutes nos journées dessus !» «On a joué la première session nous-mêmes, ajoute Pol Belardi, mais quand c’est devenu clair que l’on allait être en confinement, j’ai tout de suite monté un dossier pour le ministère de la Culture qui prévoyait 15 sessions. Le ministère a tout de suite réagi en saluant l’idée et en nous donnant un peu de budget. Mais si le confinement dure plus longtemps que ça, je les relancerai, car je crois qu’on doit continuer aussi longtemps qu’il le faudra.»
Le compositeur, leader du groupe Force, remarque par ailleurs qu’en ces temps difficiles «les acteurs culturels et les organes qui subventionnent font preuve de beaucoup de solidarité», mais au-delà de l’aide que peuvent apporter le ministère de la Culture et leurs partenaires, les «Crazy Quarantine Sessions» comptent beaucoup sur le financement participatif. Leur page GoFundMe compte, à l’heure où nous écrivons ces lignes, 1 160 euros récoltés sur un objectif de 3 000 euros. C’est principalement grâce au «crowdfunding» que l’équipe rémunère les musiciens, qui, tous, ont vu leurs concerts annulés par la force des choses, à l’image de Sven Sauber, qui a donné une session mardi et dont le dernier album, Another Day, sorti sur les plateformes digitales le 14 mars, n’a pu connaître de «release party», prévue ce même jour à Opderschmelz. Mais ces sessions sur internet permettent aussi de considérer pour les organisateurs, à la fin du confinement, la tenue d’un concert dans une véritable salle, réservé à toutes les personnes qui auront soutenu financièrement le projet.
Du côté de la programmation, si les instigateurs du projet ont aussi fait figure de musiciens vedettes pour le premier «show», les sessions suivantes se sont décidées à la fois selon les musiciens qu’ils sont allés chercher et ceux qui, spontanément, se sont présentés à eux. L’idée fondamentale du projet étant, selon Pol Belardi, «de ne pas avoir que du jazz, mais d’apporter une programmation diversifiée». Parmi les artistes déjà passés, outre le «songwriter» Sven Sauber, les «Crazy Quarantine Sessions» ont accueilli, par exemple, le jazz vocal de Claire Parsons, mais sont aussi à prévoir «du rock, de l’electro et du hip-hop» dans les prochains jours, assure Pol Belardi. «L’invité décide du contenu, de la formation et des morceaux qui sont joués, et nous, qui sommes une sorte de « house band », on peut compléter les morceaux si besoin avec de la basse, de la batterie, de la guitare…»
L’équipe perçoit cette initiative, nouvelle manière aussi de repenser le «live», avec un double regard : celui, plutôt pragmatique, de l’organisateur, et celui, plus émerveillé, du musicien. «On apprend des choses et on fait de la musique ensemble», résume, satisfait, Pol Belardi. «Je suis heureux que l’on ait une belle équipe, on se connaît depuis longtemps. On a dû s’adapter très vite, en 48 heures, et on a presque calé tout notre programme avant le confinement. C’est une belle initiative et on a beaucoup de boulot, ce qui est une bonne chose», se félicite, de son côté, le Pit Dahm de «Crazy Quarantine Sessions»… Avant que le Pit Dahm artiste n’ajoute que «regarder des concerts sur internet, de toute façon, ça existe depuis qu’internet existe. Ça ne remplacera jamais le vrai concert, qui reste quelque chose de spécial. C’est la même différence qu’il y a entre voir un match de foot au stade et le regarder à la télé, ça n’a rien à voir.»
Pour la suite, alors, confinée ou pas, l’équipe n’est pas près de s’ennuyer : quatre dates sont encore prévues jusqu’à la fin du mois, dont, le 31 mars, un concert de Pascal Useldinger, jadis figure emblématique de la scène rock luxembourgeoise avec le groupe de hardcore dEFDUMp, et bien d’autres concerts et projets sont dans les tuyaux. «On fait des journées de dix heures au moins, raconte Pol Belardi.
Et puis j’en profite pour monter d’autres choses, notamment un projet electro que je n’avais jamais osé faire.» Et les sessions sont aussi l’occasion pour chacun de se découvrir de nouvelles facultés : «On a chacun sa tâche, mais on essaie un peu de diversifier. Par exemple, Jérôme Klein était le seul, au début du projet, à savoir monter des vidéos, reprend Pol Belardi. Et pour la dernière session, c’est moi qui ai fait le montage. On s’enrichit en compétences. Et puis, en apprenant, en se donnant cours mutuellement en quelque sorte, on devient des musiciens plus complets.»
Valentin Maniglia
C’est une belle initiative ! en fait c’est le rôle de l’artiste dans des moments comme celui-ci