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Le Corbusier, fasciste militant


Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier (1887-1966). Photo AFP

Le fascisme militant de Le Corbusier, grand architecte français du XXe siècle, est mis en lumière dans plusieurs ouvrages publiés à quelques jours d’une exposition au Centre Pompidou à Paris (29 avril-3 août) à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort.

Le Corbusier, l’un des principaux représentants du mouvement moderne avec Ludwig Mies van der Rohe ou Alvar Aalto, est le créateur de l’unité d’habitation de Marseille (la Cité radieuse) et de la Chapelle de Ronchamp (Haute-Saône), candidates au classement au patrimoine mondial.

« J’ai découvert que c’était un militant fasciste, tout simplement », dit Xavier de Jarcy, auteur de Le Corbusier, un fascisme français (Albin Michel). Le Corbusier « a milité pendant vingt ans dans des groupes dont l’idéologie était très nette », confirme François Chaslin, qui publie Un Corbusier (Seuil). « On l’a caché ».

« Je ne suis plus seul ! », lance Marc Perelman, auteur de Le Corbusier, une froide vision du monde (Michalon), qui a enquêté dès 1979 sur « les idées fascisantes » de l’architecte.

L’exposition Mesures de l’Homme à Pompidou ne fera aucune allusion à ces publications car elle « ne traite pas de l’ensemble de l’oeuvre de Le Corbusier », ont expliqué ses organisateurs, soulignant que « ses relations avec Vichy ont été traitées » lors d’une rétrospective en 1987.

« Le retour du refoulé »

Membre du Comité d’experts de la Fondation Le Corbusier, Jean-Louis Cohen se dit « choqué par cette polémique », dénonçant son « caractère manipulateur ». Il estime toutefois que François Chaslin a fait « une vraie recherche ».

Or, François Chaslin, admirateur de Le Corbusier, qualifie le livre de Xavier de Jarcy de « rigoureux et solide ». Pour lui, « cette polémique correspond à ce que les psychanalystes appellent le retour du refoulé: quand on cache trop une chose, un jour elle explose ».

Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, né en 1887 à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, fréquente dès les années 1920 à Paris des cercles fascistes, dont le Faisceau, selon ces nouveaux ouvrages. Il devient proche du Dr Pierre Winter, leader du Parti fasciste révolutionnaire avec lequel il crée la revue Plans, et de l’ingénieur François de Pierrefeu qui lancera avec Le Corbusier le journal Prélude.

« Hitler peut couronner sa vie par une oeuvre grandiose »

L’architecte cautionne les articles « justifiant dans Plans l’antisémitisme nazi, et cosigne les éditoriaux haineux de Prélude« , relève Xavier de Jarcy. En août 1940, Le Corbusier écrit à sa mère: « L’argent, les juifs (en partie responsables), la franc-maçonnerie, tout subira la loi juste ». En octobre, il ajoute: « Hitler peut couronner sa vie par une oeuvre grandiose: l’aménagement de l’Europe ».

Il y a aussi « des croquis antisémites », déplore François Chaslin. La Fondation Le Corbusier n’évoque cette période qu’en quelques mots sur son site internet: « 1929: collaboration à la revue Plans », « 1933: membre du journal Prélude », « 1941: Séjour prolongé à Vichy ».

Or, « le groupuscule constitué à la fin des années 20 chemine jusqu’en 1940 et tout ce petit monde se retrouve à Vichy », dit Xavier de Jarcy. Le Corbusier « a été à Vichy pendant dix-huit mois et occupait un bureau d’Etat à l’Hôtel Carlton », précise François Chaslin.

De retour à Paris, il devient, jusqu’en avril 1944, conseiller du théoricien de l’eugénisme Alexis Carrel. Serge Klarsfeld, président de l’association Fils et filles de déportés juifs de France, estime que l’exposition à Pompidou devrait montrer « toutes les facettes de la personnalité de Le Corbusier ».

Il proposait de raser le coeur de Paris

Ces publications jettent aussi une lumière crue sur son urbanisme, dont le « Plan Voisin » qui proposait en 1925 de raser le coeur historique de Paris. « De son urbanisme, il n’en reste pas grand-chose », admet Jean-Louis Cohen, défendant « son travail architectural poétique et intéressant ». « On dissocie ses idées, son urbanisme et son architecture, alors que c’est une même chose », dit Marc Perelman.

La « Charte d’Athènes », éditée par Le Corbusier en 1943, devient la doctrine de la France démocratique des « 30 Glorieuses ». On construit alors des « grands ensembles », interdits à partir de 1973.

AFP