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Contre la crise, la Namibie fait le pari économique du tourisme


(Photo : AFP)

Heureuse comme une touriste en Namibie… Comme de plus en plus d’étrangers, Anouk Den Otter a craqué pour le pays africain et ses paysages grandioses. En plein hiver austral, elle y fête sa lune de miel en pagayant avec son mari au milieu des otaries.

« Jusque-là, tout est bien », confie cette Néerlandaise de 29 ans en débarquant de son canoë sur une plage de Walvis Bay. « Les gens sont vraiment gentils et la nature magnifique. » Employée dans un hôtel d’Amsterdam, la jeune femme avoue avoir choisi l’Afrique australe un peu par hasard. « J’ai consulté sur internet les meilleures destinations en juin et la Namibie est apparue en tête de liste. On y trouve un peu de tout. La mer, les villes, le désert, les animaux sauvages… »

Ce cocktail rare et la promotion qu’en a fait l’ex-célèbre couple hollywoodien Brad Pitt-Angelina Jolie en choisissant d’y donner naissance à son premier enfant en 2006 ont définitivement installé la destination dans les catalogues sur papier glacé des agences de voyages du monde entier. Dans un climat morose marqué par les incertitudes qui affectent les activités minières -principal secteur économique en Namibie-, le gouvernement de Windhoek a décidé de profiter de cet engouement pour faire du tourisme un des pivots de la diversification de son économie.

Jeanne Meintjes, qui dirige depuis vingt ans une petite affaire de tours en canoë, atteste de l’essor du secteur. « L’activité ne cesse de se développer. De plus en plus de gens prennent plaisir à pagayer ici », se réjouit cette patronne d’origine sud-africaine. « Je ne me fais pas de souci pour l’avenir, je n’ai besoin que de la mer. »

Pilier de l’économie

Depuis une dizaine d’années, la fréquentation touristique en Namibie progresse modestement mais régulièrement. En 2015, 1,38 million de visiteurs étrangers s’y sont rendus, contre 1,2 million deux ans plus tôt. Après les mines et la pêche, le tourisme est ainsi devenu le troisième secteur d’activité du pays, générant plus de 15 milliards de dollars namibiens (1 milliard d’euros) de revenus directs et indirects, soit 20% du produit national brut (PNB), selon les statistiques de 2013 citées par le ministre du Tourisme.

Le tourisme représentait ainsi 22.500 emplois directs (5,1% de la population active) et près de 90.000 emplois indirects (16%) cette année-là. « Le tourisme est l’un de nos secteurs les plus performants, malgré la situation économique négative du pays », se réjouit le ministre du Tourisme Pohamba Shifeta, interrogé par l’AFP. « C’est largement dû à la faiblesse de notre devise, qui rend les voyages en Namibie meilleur marché pour les Européens et les Américains ».

Le parc animalier d’Etosha (nord) figure à la première place des sites visités. Devant Lüderitz (sud-ouest) et sa ville minière fantôme de Kolmanskop, le canyon de Fish River (sud) et les dunes de sable du parc national de Dorob (ouest).

Tourisme accessible

La Namibie n’a pas opté pour la niche du tourisme de luxe, contrairement à son voisin du Botswana, avec ses palaces 5 étoiles au coeur de la brousse et ses safaris au champagne. « La Namibie peut offrir quelque chose à tous », assure Paul Brinkmann, de la confédération des industriels du tourisme dans ce pays. « Si je suis un routard, je peux trouver un logement bon marché. Si je suis un touriste de base qui veut faire des trucs extraordinaires, je peux aussi venir en Namibie », dit-il, « alors que pour faire ça au Botswana, il vaut mieux être très, très riche ».

(Photo : AFP)

(Photo : AFP)

Un argument repris par Charles Deroo, un Français de 29 ans qui se targue de visiter les destinations les plus exotiques de la planète avant qu’elles ne deviennent trop fréquentées ou hors de prix. »L’Afrique, on sait que c’est des destinations très chères comme la Tanzanie », dit-il, attablé avec un groupe d’amis sur une terrasse du bord de mer à Swakopmund (ouest). « La Namibie n’a pas encore atteint ces prix-là, alors on vient en profiter maintenant ».

L’objectif visé par le gouvernement est clair: développer le secteur pour accueillir de plus en plus d’étrangers au portefeuille débordant de devises fortes. « La Namibie est ouverte aux investisseurs », proclame le ministre du Tourisme.

Effort insuffisant

Les professionnels approuvent le discours mais regrettent le manque de concrétisation. « Un effort a été fait mais ça reste insuffisant », constate Ulf Grünewald, le directeur du plus grand hôtel de Lüderitz. « Nous ne sommes qu’un tout petit pays dans le vaste monde, il faut vendre notre destination par un gros effort de marketing ».

Paul Brinkmann déplore aussi que le ministre ait interdit aux touristes certaines zones du pays au nom de l’écologie. « Il est plus fort sur l’environnement que sur le tourisme… », ironise-t-il. Il s’inquiète également des effets d’une loi en cours d’examen qui prévoit d’imposer aux entreprises du pays, notamment celles du secteur touristique très largement tenues par les Blancs, de céder à des investisseurs noirs un quart de leur capital.

« Il n’y a pas assez d’argent dans le pays pour que ces 25% soient rachetés à leur valeur », explique-t-il. « Notre secteur a du potentiel mais les investisseurs restent très prudents ». M. Shifeta ne voit lui aucun problème et s’est déjà fixé un objectif très ambitieux: « Faire du tourisme le deuxième contributeur au PNB du pays ».

Le Quotidien / AFP