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[Confiné sans s’ennuyer] Les Schtroumpfs noirs, de Peyo et Yvan Delport


Le Schtroumpf noir essaye de contaminer les autres en leur mordant la queue, ce qui provoque une réaction en chaîne et une véritable contagion…(Illustration : DR)

Petite sélection d’ouvrages ou de films sur les virus et autres pandémies à lire (ou voir) au chaud chez soi. Pour rire, se faire peur, ou simplement s’occuper. Aujourd’hui, la première histoire de la série Les Schtroumpfs de Peyo et Yvan Delporte, Les Schtroumpfs noirs (Dupuis, 1963).

L’histoire : Alors qu’il va en forêt pour couper du bois, un Schtroumpf se fait piquer par une mouche Bzz. L’effet est immédiat : il perd alors sa couleur bleue, devient noir, fou et agressif, tandis que son langage est limité à «Gnap !». Le Schtroumpf noir essaye de contaminer les autres en leur mordant la queue, ce qui provoque une réaction en chaîne et une véritable contagion…

Pour une première, c’est une première ! Imaginée par Peyo, qui allait faire de ses gentils lutins bleus à gros bonnet blanc un mythe de la BD, épaulé ici par Yvan Delporte, à l’époque rédacteur en chef de Spirou, l’histoire, avec du recul, est bien plus profonde qu’elle ne le suppose d’emblée.

D’accord, on parle bien de petits êtres qui essayent la plupart du temps d’échapper à un vieux sorcier, mais cette première mouture, déjà, oublie leur persécuteur (qui n’existe pas encore) et évoque la question de la contagion, et ce, à travers la morsure s’il vous plaît.

Rappelons que l’on est en 1959 – la BD, redessinée, ne sortira d’ailleurs qu’en version cartonnée en 1963 –, soit neuf ans avant le premier film, mythique, de George Romero, Night of the Living Dead (1968), qui popularise la figure du zombie au cinéma, posant par là même les codes modernes du genre.

Audacieux, certes, mais clairement influencé par un autre modèle de poids, le roman de science-fiction I Am Legend de l’écrivain américain Richard Matheson, lecture de chevet avouée du scénariste des Schtroumpfs noirs. Finalement, les sales bêtes imaginées par Yvan Delporte ne seraient donc qu’une sorte de vampires, dont la couleur noire figurerait leur nature même.
Une précision qui s’imposait puisque certains y ont vu une BD raciste, à l’arrière-goût de colonialisme. Par conséquent, l’album n’a jamais été traduit en anglais et dans l’adaptation animée bien plus tardive de Hanna-Barbera, les Schtroumpfs noirs sont devenus… violets (Purple Smurfs) !

Un sérieux problème d’interprétation qui se fait surtout sensible aux États-Unis, à l’antagonisme racial marqué. Ce qui n’empêchera pas Romero de reprendre à sa manière le flambeau, choisissant pour sa première œuvre «zombiesque» un jeune Afro-Américain dans le premier rôle (Duane Jones). Plus tard, dans le film, il tombe sous les balles de la police. Ça ne s’invente pas.
G. C.

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