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Conduire une voiture sans voir ni entendre ? C’est possible !


Avant la compétition, les participants se sont entraînés pendant deux jours. Trois auto-écoles intéressées par le projet ont mis à disposition un parking, cinq voitures et autant d'instructeurs. Ces derniers ont d'abord dû élaborer un langage basé sur le toucher pour communiquer avec les pilotes. (Photo : AFP)

Une voiture zigzague sur un tarmac d’aéroport en Pologne. Au volant, un conducteur sourd et aveugle. Avec lui, une vingtaine d’autres pilotes dans son cas ont dépassé leurs limites en participant… à un rallye automobile.

Dans cette compétition insolite, organisée spécialement pour eux sur le tarmac de l’aéroport international de Lodz (centre), chacun doit réaliser deux tours chronométrés du circuit, avec pour guide un copilote valide. « Sur les 19 participants, 12 n’avaient jamais conduit de voiture de leur vie et sept l’avaient déjà fait avant de devenir handicapés », explique Mateusz Kotnowski, responsable d’une association polonaise d’aide aux sourds et aveugles.

« Certains sont totalement sourds et aveugles. Ceux qui voient ou entendent encore un peu portent des masques et des casques pour que tout le monde soit à égalité », précise-t-il.

Avant la compétition, les participants se sont entraînés pendant deux jours. Trois auto-écoles intéressées par le projet ont mis à disposition un parking, cinq voitures et autant d’instructeurs. Ces derniers ont d’abord dû élaborer un langage basé sur le toucher pour communiquer avec les pilotes.

Zbigniew Palgan, propriétaire d’une société d’auto-école, a bien expliqué à son disciple aveugle et malentendant: « Quand j’appuie sur la partie gauche de ton genou, tu tournes à gauche. Quand j’appuie à droite, tu tournes à droite. Quand je touche le haut du genou, tu redresses le volant et quand j’appuie tu accélères. Quand je tire sur ton genou, tu freines ».

A tout moment, l’instructeur peut arrêter la voiture. Et au fil des kilomètres, les pilotes sont de plus en plus en confiance, à l’image de Kamila Dobrzynska, 30 ans, borgne et partiellement sourde. En bout de ligne droite, sa voiture atteint 50 km/h.

« C’est un sentiment étrange. Il y a de la peur. Vous ne savez pas où vous êtes donc vos yeux et vos oreilles sont ceux de l’instructeur. Vous devez avoir une confiance totale en lui », dit Kamila.

Briser les stéréotypes

Sylwek, malvoyant et malentendant, va conduire pour la première fois de sa vie. Son épouse Kasia, aveugle de naissance, est venue l’encourager. Une façon pour ce couple de trentenaires d’oublier les problèmes du quotidien, disent-ils.

Sylwek Slipek, ancien vendeur d’un hypermarché, cherche du travail depuis trois ans, en vain. En Pologne, le taux de chômage pour les personnes handicapées atteint 16%. En participant à cette course automobile, le couple espère faire évoluer le regard des gens.

« Les gens réaliseront peut-être que si des personnes sourdes et aveugles sont capables de conduire une voiture, elles peuvent également travailler, avoir un métier. On nous percevra peut-être comme des gens sympas avec des bonnes valeurs… et pas comme des bons à rien », dit Kasia Slipek.

Le jour de la course, Sylwek a réalisé un sans faute sur le tarmac de l’aéroport! A l’arrivée, une brillante 6e place et l’admiration sans borne de sa femme: « J’ai un champion! », s’est-elle exclamée. La première place, c’est Kamila qui l’a décrochée, brisant non seulement les stéréotypes sur les personnes handicapées… mais aussi sur les femmes au volant.

Le Quotidien/AFP