Puristes contre crypto-enthousiastes: certains fans de jeux vidéo se montrent inquiets face à la tentation mercantile du secteur, alors que les grands studios s’intéressent de plus en plus à la technologie de la chaîne de blocs, qui attire les joueurs avec la promesse de gagner de l’argent.
« Tout ce qui est fait dans cet espace en ce moment est tout simplement mauvais – c’est même carrément terrible », confie à l’AFP Mark Venturelli, concepteur de jeux vidéo, qui s’est récemment lancé dans un réquisitoire contre la technologie « blockchain », ou chaîne de blocs -sur laquelle repose notamment la création des cyptomonnaies-, lors du BIG Festival de Sao Paolo, le plus grand festival de « gaming » du Brésil.
Parmi les nombreux avantages vantés par les amateurs de cryptomonnaies, la « blockchain », une sorte d’immense registre numérique partagé entre une multitude d’utilisateurs, permettrait notamment aux joueurs de récupérer une partie de l’argent qu’ils dépensent dans les jeux, ou encore de leur garantir la propriété d’objets numériques.
Les détracteurs comme Venturelli affirment l’inverse: les fabricants de jeux vont engranger davantage de profits tout en contournant les lois sur les jeux d’argent et de hasard, tandis que l’appât du gain va tuer tout plaisir. De quoi alimenter une vive confrontation au sein d’une industrie qui pèse quelque 300 milliards de dollars de recettes au niveau mondial, selon une estimation du cabinet Accenture.
Un sérieux problème d’image
A court terme, les puristes peuvent avoir l’impression d’avoir triomphé au regard de l’effondrement des cours des cryptomonnaies. Elles ont entraîné dans leur chute les jetons émis dans ce type de jeux blockchain, dont la valeur avait initialement attiré les joueurs. « Personne ne joue aux jeux blockchain en ce moment », confirme à l’AFP Mihai Vicol, du cabinet spécialisé Newzoo, affirmant qu’entre 90 et 95% des jeux ont été affectés par le krach des cryptoactifs.
Ce secteur avait déjà connu plus tôt cette année un sérieux problème d’image après un vol spectaculaire de 600 millions de dollars sur Axie Infinity, un jeu vidéo basé sur une « blockchain » extrêmement populaire aux Philippines.
Ubisoft, l’une des plus grandes entreprises de jeux vidéo au monde, a tenté l’an dernier d’introduire une place de marché dans l’un de ses jeux à succès pour échanger des NFT, ces jetons numériques uniques qui associent à un objet numérique un certificat d’authenticité garantissant à son seul détenteur la propriété officielle. Mais les forums de joueurs, dont beaucoup sont marqués par un sentiment anti-crypto, se sont enflammés pour s’y opposer.
Les NFT interdits sur Minecraft
En juillet dernier, Minecraft, un jeu de construction de monde extrêmement populaire auprès des enfants et des adolescents, a annoncé qu’il n’autoriserait plus les NFT, les considérant comme contraires à « l’esprit » de la plateforme en créant « un modèle de rareté et d’exclusion ».
Malgré les revers en série pour les amateurs de cryptomonnaies, les entrepreneurs promouvant la « blockchain » ne baissent pas les bras, comme Sekip Can Gokalp, dont les sociétés Infinite Arcade et Coda aident les développeurs à introduire le concept du « web3 » -un web décentralisé reposant sur la blockhain- dans leurs jeux.
Selon lui, la technologie a encore le potentiel de « révolutionner » les jeux vidéo, alors que les rapports faisant état d’un choc culturel entre les joueurs et les fans de cryptomonnaies ont été exagérés. Ses recherches suggèrent même qu’il existe un chevauchement important entre les deux communautés.
Causer des dommages réels
Mihai Vicol estime cependant que le jeu vidéo version « blockchain » doit trouver d’autres arguments de vente pour réussir. « C’est peut-être l’avenir », dit-il, « mais il sera différent de la façon dont les gens l’envisagent aujourd’hui ».
Pour Mark Venturelli, l’appât du gain provoqué par ces jeux risque de causer des dommages réels, notamment en Amérique latine, en attirant les jeunes. Mais avec de nouveaux jeux de blockchain qui émergent chaque jour, il admet que la bataille est loin d’être terminée.