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Comme un ouragan : le vent au cinéma 


C’est l’été, le soleil tape, alors un peu de vent ne fait pas de mal. Ça tombe bien : Twisters est dans les salles. Vingt-huit ans après le Twister de Jan de Bont, voici le retour des chasseurs de tornade. L’occasion de faire un focus sur le vent au cinéma.

Vu que le vent ne se voit pas, il pose, d’entrée de jeu, un défi technique au cinéma. Comment le filmer? On peut le sentir vibrer dans le champ, s’il est confronté à des objets ou à des personnages, ceux-ci étant comme poussés par des mains invisibles. Alors le vent peut être à la base d’un grand basculement : c’est le cas de la tornade qui emporte Dorothy Gale vers un monde parallèle, dans The Wizard of Oz (Victor Fleming, 1939); à partir de cette séquence, le film démarre vraiment.

Par rapport à la pluie, qui tape contre des vitres, ou la foudre, qui déchire le ciel, le vent ne parle pas. Il ne s’agit pas d’un hasard si un classique du cinéma muet s’intitule The Wind (Victor Sjöström, 1928). Le vent se pose ici en tant qu’élément central, sur le plan scénaristique, mais aussi cinégénique; le désert venteux symbolise le paysage du chaos.

Du trouble à la grâce

Le vent est également métaphorique. Dans Gone with the Wind (Victor Fleming, 1939) Scarlett O’Hara se demande : «Tara était-elle aussi emportée par le vent qui avait balayé la Géorgie?», pour évoquer la disparition d’un mode de vie dans le sud des États-Unis, après la guerre de Sécession. Ce n’est pas tout : le vent renvoie à la dissolution de l’amour, entre Scarlett O’Hara et Rhett Butler; il peut éteindre la flamme de la passion, quand, à partir d’un coup de foudre, il ne reste plus que des cendres, balayées par le souffle du temps.

A contrario, le vent peut renvoyer à la sérénité, à l’image de la première séquence de Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994) : pendant que le générique défile sur des notes de piano, une plume tournoie dans l’air, comme si elle dansait avec le vent; elle ne cesse alors de changer de direction, selon son humeur, jusqu’à échouer aux pieds du héros.

C’est alors comme si le vent décidait, l’air de rien, du destin. Terrence Malick filme, quant à lui, le vent avec toutes ses variations. Qu’il fasse frémir les feuilles ou qu’il soit, en quelque sorte, le chef d’orchestre des vagues, le vent s’incruste dans la grâce de ses poèmes visuels, jusqu’à même influencer le tempo de sa caméra flottante.

De l’air agité

Si le vent est muet, cela ne l’empêche pas d’émettre des sons. Avec Le Vent se lève (Hayao Miyazaki, 2013), les bruitages sont créés par des voix humaines, à l’instar des moteurs des avions ou du grondement d’un séisme. Et, au milieu, il y a le bruit du vent. En faisant figure de menace invisible, le vent traverse les films d’épouvante, surtout lorsque ceux-ci traitent de surnaturel.

Le vent est alors de l’air agité. Dans The Wind (Nico Mastorakis, 1986), petit film d’horreur grec, la caméra portée reproduit ses mouvements. Le vent porte des fantômes. Mais là où le vent a son rôle à jouer, voire là où il a sa propre partition, c’est dans le genre catastrophe. Deux longs métrages sortis en 2011 le prouvent : Take Shelter (Jeff Nichols) et Melancholia (Lars Von Trier).

Dans Take Shelter, le vent anticipe une catastrophe – mais n’est-ce pas, finalement, l’image mentale d’un schizophrène? Dans Melancholia, la dépression n’est pas que météorologique, elle est nerveuse; le vent emporte tout, jusqu’à la fin du monde, et du film.

Cinéma de catastrophe naturelle

Au rayon catastrophe plus pop-corn, les cyclones, les tornades, les ouragans, les typhons et tempêtes forment un étourdissant ballet. De Black Storm (Steven Quale, 2014) à 13 Minutes (Lindsay Gossling, 2021) en passant par The Last Disaster (Gilbert Shilton, 2012), le vent est le moteur du roller-coaster, autant que ses loopings – le vent secoue, renverse, décoiffe.

À y penser, quelle drôle d’idée, alors qu’il vente dehors, de se réfugier à l’abri d’une salle de cinéma, pour se prendre des tornades en rafales. Fiction de série B, voire Z, Sharknado (Anthony C. Ferrante, 2013) mélange, dans son shaker, deux sous-genres : le film catastrophe avec du vent et le film d’horreur avec des requins. Sauf qu’à l’arrivée, il s’agit d’une comédie.

En narrant l’histoire d’une famille séparée par le tsunami du 26 décembre 2004, The Impossible (Juan Antonio Bayona, 2012) se voit comme un grand film physique : les fauteuils tremblent, le cœur bat fort terrassé par l’angoisse; l’expérience auditive, si immersive, fait penser à de la 3D sonore.

Twister (Jan de Bont, 1996) pousse le bouchon encore plus loin, à travers le spectacle provoqué par le vent : les toits s’envolent, les voitures aussi, tout comme les passants. Le défi technique est assuré : le son des tornades est recréé à partir d’un enregistrement de gémissements de chameaux, passés après au ralenti, là où, pour recréer les fortes bourrasques de vent, des moteurs de Boeing 707 sont employés.

Vingt-huit ans plus tard, Twisters (Lee Isaac Chung) reprend la même recette que son aîné. La différence, c’est qu’il y a eu, entre-temps, l’apparition d’outils technologiques plus sophistiqués, alors autant s’amuser avec. Résultat : le film est secouant, renversant, décoiffant. À bout de souffle, aussi.

Twisters, de Lee Isaac Chung. Actuellement en salles.

De notre correspondant, Rosario Ligammari

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