Tout au long de sa carrière, l’ex des Libertines a défrayé la chronique. Pendant dix ans, le rockeur britannique a été filmé dans son intimité, en vue d’un documentaire. Forcément choc et rédempteur.
L’actualité est chargée pour le musicien, entre la version française de ses mémoires, Un garçon charmant, qui sort jeudi au Cherche-Midi (la version anglaise, A Likely Lad, est parue en 2022), et un nouvel album des Libertines, son groupe, All Quiet on the Eastern Esplanade, repoussé au 29 mars. Mais quand on rencontre le chanteur et guitariste à Paris, au côté de son épouse, c’est pour parler de Stranger In My Own Skin, documentaire diffusé depuis hier sur Canal+. «On est fiers et contents», glisse en français cet enfant terrible du rock anglais, à propos de cette œuvre choc et émouvante sur sa traversée des addictions, réalisé par Katia de Vidas, devenue sa femme.
À partir de plus de 200 heures de rushes sur près de dix ans, cette dernière a tiré un film de 90 minutes. Rarement l’addiction aux drogues dures et la lutte pour s’en sortir ont été montrées si frontalement chez un chanteur. «Pour moi, c’est plus que ça! Ça parle de créativité, d’une enfance stricte, du poids du succès, mais, oui, inévitablement de l’addiction, pour que plus de gens comprennent», explique la réalisatrice et musicienne. «Si vous montrez le meilleur, il faut aussi montrer le pire!», poursuit celle qui, au départ, était juste une étudiante en cinéma recrutée par Christian Fevret, un des fondateurs du magazine Les Inrockuptibles, pour suivre la rockstar avec une caméra.
«Opération militaire»
On y voit donc un Doherty angélique, déclamant un poème quand l’industrie du disque l’honore. Et un autre Doherty dévoré par ses démons, ballotté par le chaos. C’est lui qui demande à celle qui n’était alors qu’une présence familière de le filmer seringue en main. «Je me shootais depuis sept ou huit ans et, comme tous le junkies, à force, on perd ses veines, elles sont détruites, mais, ce jour-là, j’en avais trouvé une!», commence-t-il. «C’était comme une opération militaire menée à bien. C’est tellement triste et tragique, mais c’était la fête après deux semaines de recherches.»
Si vous montrez le meilleur, il faut aussi montrer le pire!
La métaphore militaire n’est pas gratuite : l’artiste a passé toute son enfance entre les barbelés et les baraquements des casernes de son père, membre de l’armée britannique. Environnement trop corseté pour un gamin rétif à la discipline et envoûté par la poésie et la littérature. Une des données de l’équation. Le documentaire se termine avec une cure de désintoxication en Thaïlande, étape décisive vers la délivrance. «À Paris ou à Londres, on trouve de la drogue en claquant des doigts. Là, je ne me suis enfui qu’une nuit à Bangkok, le reste du temps, ils étaient durs et veillaient sur moi, ils savaient que je pouvais promouvoir leur centre», déroule-t-il. Tout fier de montrer ses veines réapparues sur ses avant-bras, signe de sa rédemption.
«Une bonne photo»
Il n’y aura pas d’épisode II. Katia de Vidas a cessé de filmer quand ils sont devenus un couple. Les époux, qui vivent désormais du côté d’Étretat, dans le nord-ouest de la France, travaillent sur un projet de fiction. Et Peter Doherty, aujourd’hui 44 ans, s’attelle à la musique d’un film du cinéaste français Xavier Beauvois, La Vallée des Fous. Comme un grand enfant, il conclut l’entretien en sautant d’un sujet à l’autre : «Xavier vit dans le village voisin et a un âne qui s’appelle Gabin. D’ailleurs, un de mes films préférés, c’est Le Quai des brumes avec Jean Gabin!»
Stranger In My Own Skin (NDLR : une chanson des Babyshambles, autre groupe de Peter Doherty) ne s’attarde que sur lui. Pour le reste – sa liaison avec Kate Moss ou encore sa complicité avec Amy Winehouse –, le musicien se confie sans fard et avec humour dans Un garçon charmant. «C’était objectivement une bonne photo!», lâche-t-il toutefois dans un rire amusé, quand, un jour, le tabloïd britannique Sunday Mirror titre «Le nouvel amour de Kate Moss est un junkie!» Avec un cliché de lui en train de fumer de l’héroïne…