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[Cinéma] «Volveréis», remariage à l’espagnole


Au grand dam de son entourage, un couple veut se séparer et célébrer sa désunion avec une grande fête. C’est le sujet de Volveréis, le «film de crise» enchanteur et poétique de Jonás Trueba, qui réinvente la comédie de remariage.

Depuis quatorze ans, Ale (Itsaso Arana) et Alex (Vito Sanz) forment un couple solide, sinon fusionnel. Leur amour suscite même l’admiration de leur entourage, à plus forte raison parce qu’elle, réalisatrice, et lui, acteur, travaillent ensemble – Ale est en phase de montage de son dernier film, dans lequel elle se met en scène aux côtés de son compagnon. Oui, mais le couple décide de se séparer : pour les jeunes quadragénaires, c’est peut-être le moment d’ouvrir un nouveau chapitre dans leurs vies respectives. D’en clore un, en tout cas.

Car entre eux, le projet est acté, et il ne tarde pas à devenir officiel. Et puisqu’il n’y a dans celui-ci ni rancœur ni banalité, Ale et Alex entendent marquer le coup avec une grande et joyeuse fête de séparation, à laquelle ils convient tous leurs proches – «comme des noces, mais inversées», expliquent-ils à leurs amis, collègues et famille, qui répondent tous, ou presque, avec une incompréhension suprême.

On ne peut pas dire de manière évidente que Volveréis est une comédie (…) C’est comique, mais déprimé

Jouant sur les codes de la comédie romantique, plus particulièrement de la comédie de remariage – sous-genre de l’âge d’or d’Hollywood auquel le film fait quelques clins d’œil, de The Awful Truth (Leo McCarey, 1937), dont on retrouve ici le fond de la trame, jusque dans la coiffure d’Ale, qui évoque celle de Katharine Hepburn dans Bringing Up Baby (Howard Hawks, 1938) et The Philadelphia Story (George Cukor, 1940) –, Volveréis, que l’on peut traduire par «vous vous retrouverez», laisse peu de place au mystère.

Mais dans sa première heure, le film joue sur la répétition en multipliant les séquences où le couple annonce sa rupture, insistant moins sur les réactions de leurs proches que sur le fait que «tout va bien», comme pour se persuader eux-mêmes que la fin programmée d’un long amour n’a rien de dramatique. «On ne peut pas dire de manière évidente que Volveréis est une comédie», assure dans le dossier de presse son réalisateur, Jonás Trueba. «Sur le tournage, Vito et Itsaso n’arrêtaient pas de dire que le film avait un ton particulier, difficile à trouver. C’est comique, mais déprimé.»

C’est la troisième fois, après La virgen de agosto (2020) et Tenéis que venir a verla (2022), que le réalisateur de 43 ans fait d’Itsaso Arana – sa compagne – et Vito Sanz un couple à l’écran. Avec Volveréis, les comédiens cosignent aussi le scénario. L’idée? «Utiliser les mêmes acteurs pour faire quelque chose de similaire, mais différemment», résume Jonás Trueba, qui avait «besoin de compagnie pour rire de (s)es erreurs et (s)es angoisses». De la même manière que l’on ne connaîtra jamais la raison de la séparation voulue par les deux personnages, Trueba laisse planer le mystère quant aux origines du film, si elles sont ou non inspirées de son propre vécu.

Selon lui, le film est «né d’une rupture, d’un choc et d’un questionnement en tant que cinéaste» – et résulte, donc, en un geste artistique plutôt radical. Jonás Trueba souligne en ce sens que le film est parti d’une «boutade», soit la fameuse phrase disant que «ce ne sont pas les mariages qu’il faut célébrer, mais les séparations.» Dans le film, elle est attribuée au père d’Ale, joué par le vrai père du réalisateur, Fernando Trueba, l’un des cinéastes phares de la «Movida» madrilène. Cette phrase «est vraiment de mon père, dit Jonás Trueba, qui me l’a dite quand j’étais adolescent. Une seule fois, mais elle est restée (…) J’ai réalisé que c’était une idée absurde, très amusante à dire, mais plus compliquée à réaliser… Mais j’ai toujours pensé que c’était ce à quoi servait le cinéma.»

En définitive, c’est bien ce qu’est Volveréis : un film de «crise cinématographique» sur le septième art et ses possibilités, dans lequel l’auteur «intègre pour la première fois (s)on héritage familial, le cinéma classique et une certaine idée de la comédie». Une grande bouffée d’air frais où la fiction et la vie se mélangent, appuyées par des répétitions, des références en pagaille (Kierkegaard, Stanley Cavell, Rohmer, Truffaut…) des mises en abyme et niveaux de lecture à donner le vertige et un humour absurde et poétique.

Le seul reproche qu’on pourrait faire au film, finalement, est de sortir au printemps, et non le 22 septembre, premier jour de l’automne et date annoncée de la «divorce party» – comme dans la chanson de Brassens, elle aussi citée par Fernando Trueba : «Le 22 septembre, aujourd’hui, je m’en fous.» À part cela, comment ne pas en tomber amoureux?

Volveréis,
de Jonás Trueba.