Elle est de tous les plans du premier long métrage de Kamir Aïnouz, Cigare au miel : Zoé Adjani illumine ce film de son talent d’actrice, suscitant les rapprochements avec sa tante Isabelle.
Elle est née en 1999 et ses traits épousent à s’y méprendre ceux de sa célèbre parente. Mais la jeune comédienne Zoé Adjani, nièce d’Isabelle Adjani, est bluffante de naturel dans Cigare au miel, un drame ancré en 1993, à Paris, où elle incarne Selma, 17 ans, issue d’une riche famille de Neuilly-sur-Seine qui intègre une école de commerce de la capitale. À mesure que les regards électrisés des garçons se posent sur elle et que brûle son désir d’émancipation, la jeune femme d’origine berbère est confrontée au poids des traditions qui s’exercent dans l’intimité familiale. Tiraillée entre sa volonté impérieuse de reprendre le contrôle de sa vie et celle de ne pas renier ses origines culturelles, Selma s’engage dans une quête d’identité qui va la mener jusqu’aux montagnes de Kabylie, où vit sa famille algérienne.
Pour son second rôle au cinéma après Cerise (Jérôme Enrico, 2015), Zoé Adjani explique s’être reconnue dans ce personnage à «l’esprit combatif» auquel tous les moyens matériels sont donnés pour s’accomplir, mais dont l’unique obsession est de libérer son corps et sa vie de femme. Et ce, à un moment où, dans le pays d’origine de ses parents, aimants mais porteurs d’un héritage culturel aux antipodes de ses aspirations, se cristallisent les violences de la guerre civile.
Subtile sensualité
«Il y a une vraie ressemblance dans la recherche de la féminité et de l’apprentissage du corps, mais aussi de l’identité, des origines et des liens familiaux parfois ciselés par une guerre ou un langage», expliquait Zoé Adjani au dernier festival des Arcs, en Savoie, où le film était programmé. «J’ai découvert la Kabylie, avec qui j’ai un lien assez secret, fort et intime, par le biais du film, qui a autant été mon parcours initiatique que celui de Selma.»
Zoé s’est appropriée ce rôle avec beaucoup de sensibilité et l’a compris dans sa chair
Une subtile sensualité infuse ce long métrage où le corps est scruté. Pour l’actrice, elle est d’abord «un jeu» nécessaire aux femmes pour définir leurs «propres sphères». «C’est une expression fondamentale de l’esprit d’une femme et c’est quelque chose que Zoé exprime de manière très fine. Il ne fallait surtout pas en faire trop et que ce soit incarné de façon naturelle, car c’est naturel», souligne Kamir Aïnouz.
«Sur le fil du rasoir»
La réalisatrice franco-algérienne, qui voit en la sensualité «l’arme numéro un d’émancipation» des femmes, explique s’être appuyée sur l’interprétation «à fleur de peau» de sa comédienne pour «faire ressentir l’intériorité» de son personnage. «Zoé s’est appropriée ce rôle avec beaucoup de sensibilité et l’a compris dans sa chair. Je pouvais le lire sur son visage», détaille la cinéaste, qui s’est attachée à établir avec son actrice un rapport de confiance lui permettant «d’abattre toutes les barrières» et d’aller chercher en elle «une finesse sur le fil du rasoir». «Nous étions d’accord sur la façon dont j’allais mettre son corps en scène. Nous avons pu explorer beaucoup de choses qui étaient nécessaires pour ce rôle», précise Kamir Aïnouz.
Grâce au personnage d’Amira Casar, qui incarne la mère de l’adolescente, Cigare au miel dresse également un tableau intergénérationnel de femmes confrontées à des traditions patriarcales qui se déploient aussi bien dans leur milieu familial bourgeois qu’à l’extérieur, et notamment dans l’univers codifié des écoles de commerce. «Ces diktats ne sont pas clairement identifiés car ils sont profondément ancrés dans la culture et l’éducation», estime Zoé Adjani.
Cigare au miel, de Kamir Aïnouz.
Valentin Maniglia