Invité d’honneur du festival de Gérardmer, le réalisateur américain Ti West a donné une masterclass lors de cette 32e édition tandis que six de ses films ont été diffusés durant la semaine. L‘occasion de découvrir le travail d’un amoureux du 7e art, autant marqué par le cinéma de genre que la Nouvelle Vague ou les grands classiques américains.
«Les films de Ti West ont cette sorte d’énergie qui est si rare de nos jours, propulsée par un amour pur du cinéma. Vous pouvez le sentir à chaque plan». La critique, déjà dithyrambique, prend encore une autre dimension quand on en connaît l’auteur : Martin Scorsese. En une vingtaine d’années, Ti West a su se faire un nom auprès des cinéphiles et des amateurs du cinéma de genre. Producteur, scénariste, réalisateur et monteur, comme l’annonce le générique de la plupart de ses films, le cinéaste est aussi un habitué du Festival du film fantastique de Gérardmer. Deux de ses long-métrages, The house of the Devil et The Sacrament ont été présentés dans les Vosges en 2009 et 2013. Et pour cette 32e édition, le festival a décidé de mettre le réalisateur à l’honneur en programmant six de ses films tout au long de la semaine.
Les plus connus du public français, la trilogie composée de X, Pearl et Maxxxine a même eu droit à une soirée spéciale, vendredi soir, durant laquelle les trois films ont été diffusés à la suite. Imaginée en pleine pandémie, ce tryptique est le fruit d’une collaboration avec l’actrice britannique Mia Goth qui interprète les rôles principaux de Maxine Minx et de Pearl au sein de la trilogie. Dans cette réflexion croisée sur le cinéma et la société, dont le dernier épisode est sorti l’année dernière, Ti West et Mia Goth dépoussièrent le slasher et le cinéma d’horreur, un genre qu’il affectionne tout particulièrement.
«Le goût de la découverte»
Enfant des années 80, le réalisateur a grandi au milieu des rayonnages des vidéoclubs. «On en avait un très bon qui proposait le vendredi cinq films pour cinq dollars qu’il fallait rendre le lundi», se souvient le cinéaste durant sa masterclass. «Mon éducation s’est faite au travers des VHS, c’était la meilleure école». Très vite, il s’intéresse aux films d’horreur, dont les jaquettes pleines de promesses, comme celle de Bad taste de Peter Jackson, attirent l’oeil du jeune cinéphile. «J’avais très envie de voir ces films. Au final, ils n’étaient pas toujours à la hauteur mais le plus important, c’était le goût de la découverte.»
Ce goût ne va jamais le quitter. Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser aux autres œuvres du réalisateur présentées cette année à Gérardmer. Dans The House of the Devil, sorti en 2009, une étudiante accepte un job étrange de baby-sitter pour payer ses études. Découvrant rapidement que ses clients cachent un terrible secret, elle se retrouve alors en danger de mort. Inutile d’en dire plus pour comprendre qu’on est ici face à un véritable film d’horreur à l’ancienne, usant de référence au cinéma des années 70-80 pour construire une oeuvre dépassant le simple hommage. «Les références doivent toujours être appropriées pour ne pas perturber le film», rappelle Ti West.
Au-delà de l’horreur
Dans un genre totalement différent, The Sacrament (2013), montre un autre visage de l’horreur en racontant la véritable histoire, mais via un found footage fictif, de la secte du Temple du Peuple qui a conduit au suicide collectif de plus de 900 personnes en 1978. Caméra à l’épaule, Ti West retrace librement les dernières heures de la communauté dans une mise en scène glaçante qui rappelle que la réalité peut facilement concurrencer le cinéma d’horreur.
Sur un ton plus a priori plus léger, The Innkeepers (2011), affirme à nouveau la passion de Ti West pour le cinéma bis des vidéoclubs. Deux réceptionnistes d’un hôtel en faillite profitent des derniers jours d’ouverture pour partir à la chasse aux fantômes. Une fois encore, le réalisateur tord les codes d’un genre bien connu pour accoucher d’une histoire de fantômes, le thème du festival cette année, qui oscille entre comédie, parfois balourde, et drame horrifique à l’ambiance gore savamment dosée.
Mais la cinéphilie de Ti West va au-delà de l’horreur. Marqué tout autant par la Nouvelle Vague française que par les cinéastes américains classiques, comme John Sturges, il s’est aussi essayé à d’autres genres comme le western avec In a valley of violence. «J’avais enchaîné les films d’horreur et j’avais peur de me répéter», avoue le réalisateur. Sa réponse quand on lui demande quel sera son prochain projet n’est donc pas si étonnante. «Ce sera quelque chose de très différent. Il devrait se faire à l’automne prochain mais je préfère ne pas trop en parler par peur de me porter malheur.»