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[Cinéma] «The Voice of Hind Rajab» : une voix dans l’enfer de Gaza


(Photo : jour2fête)

La réalisatrice Kaouther Ben Hania retrace, dans un docufiction, les toutes dernières heures d’une petite fille de cinq ans retranchée dans une voiture après une attaque de l’armée israélienne. Choc.

Elle est directe : «Je n’ai pas fait ce film pour que les gens restent confortables dans leur siège». Kaouther Ben Hania assume de bouleverser le spectateur avec The Voice of Hind Rajab, choc de la dernière Mostra de Venise dont il est reparti avec le Lion d’argent. Le film, sur la mort d’une petite fille de cinq ans à Gaza, suscite en effet une immense émotion partout où il passe. Il raconte, sous le format d’un docufiction, l’histoire de Hind Rajab, retrouvée morte à l’intérieur d’une voiture criblée de balles dans la ville de Gaza, des jours après avoir passé plusieurs heures au téléphone, le 29 janvier 2024, avec le Croissant-Rouge palestinien, alors que le véhicule dans lequel elle voyageait avec six membres de sa famille avait été visé par des soldats israéliens.

 

Kaouther Ben Hania a utilisé les vrais enregistrements des appels à l’aide de la petite fille dans son film. Cette voix avait ému l’opinion publique internationale, lors de la diffusion des enregistrements dans la presse. Et elle-même : «Lorsque je l’ai entendu pour la première fois, il y avait quelque chose de plus : c’était la voix de Gaza qui appelait à l’aide alors que personne ne pouvait y entrer», a-t-elle affirmé.

La réalisatrice a raconté sur Instagram qu’elle avait entendu presque par hasard les extraits des appels à l’aide d’Hind Rajab et contacté le Croissant-Rouge. «J’ai longuement parlé avec les personnes qui étaient avec elle à l’autre bout du fil, ceux qui ont essayé de l’aider. J’ai écouté, j’ai pleuré, j’ai écrit», a ajouté la Franco-Tunisienne de 48 ans.

À l’époque, la réalisatrice dit avoir ressenti «beaucoup de colère, beaucoup de désespoir», mais aussi une forme d’impuissance et une interrogation : «Qu’est-ce que je peux faire ?». «Les Palestiniens, en général, sont considérés toujours comme des suspects avant d’être victimes», a poursuivi la réalisatrice des Filles d’Olfa, César du documentaire en 2024 qui mêlait déjà fiction et réalité.

Mais dans quel monde on vit ?

À Venise, la projection, à laquelle a assisté le couple Joaquin Phoenix et Rooney Mara, tous deux producteurs exécutifs, a laissé la salle en larmes et été accueillie par 23 minutes d’applaudissements. Du jamais vu. Brad Pitt, qui a vu le film, a lui aussi décidé d’apporter son soutien, comme Jonathan Glazer, réalisateur de The Zone of Interest. Ils ont aussitôt fait l’objet de menaces, dit la réalisatrice.

«Leurs boîtes mail ont été inondées par des milliers et des milliers de courriels», a rapporté Kaouther Ben Hania, avec un «long texte intimidant». Le film a été choisi pour représenter la Tunisie aux Oscars 2026. «J’ai envie qu’il soit vu un petit peu partout dans le monde», affirme Kaouther Ben Hania. En le diffusant le plus massivement possible, elle veut «mettre un visage sur cette petite fille et aussi sur les travailleurs du Croissant-Rouge».

«À travers cette histoire, on peut percevoir l’énormité et la monstruosité de ce qu’il se passe à Gaza.» Elle a notamment tenu à montrer la plage de la ville, car la mère de Hind Rajab  – qui apparaît à la fin du film – «m’a dit qu’elle adorait» y aller. «Et quand je vois quelqu’un comme Donald Trump qui parle de Riviera, je me dis : « Mais dans quel monde on vit ? »», s’indigne-t-elle.

La mère de Hind Rajab a donné sa «bénédiction» à la réalisation du film, souhaitant «que la voix de sa fille ne soit pas oubliée». Le cinéma est «important pour donner une voix et un visage» aux victimes palestiniennes à Gaza, a déclaré Kaouther Ben Hania. «Nous voyons que, partout dans le monde, les médias présentent les morts comme des dommages collatéraux. Je trouve cela tellement déshumanisant et c’est pourquoi le cinéma, l’art et toutes les formes d’expression sont si importants pour donner une voix et un visage à ces personnes», a-t-elle affirmé. En outre, les employés du Croissant-Rouge, incarnés à l’écran par des acteurs palestiniens (NDLR : le film a été tourné à Tunis), ont échangé longuement avec les acteurs jouant leur rôle à l’écran.

Car le film, d’une durée de 1 h 30, se déroule intégralement dans le centre d’appel des secours du Croissant-Rouge, sous tension entre la volonté de secourir la fillette et la nécessité de respecter les protocoles d’urgence et, ainsi, ne pas mettre en danger les sauveteurs. «Des larmes ont été versées chaque jour» du tournage, a relaté l’acteur Amer Hlehel tandis que son acolyte Motaz Malhees a confié que tourner ce long métrage l’avait ramené à son enfance à Jénine (nord de la Cisjordanie). Un film aux frontières du réel qui ne laisse, donc, personne indifférent.

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