Le long métrage «The Supremes» de Tina Mabry est disponible actuellement sur Disney+. Une série aurait peut-être été plus appropriée.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser à la vue des récentes livraisons de chez Disney (confèrent les Beatles et les Beach Boys), The Supremes n’est pas un documentaire musical sur Diana Ross et ses copines, égéries de la Motown et plus grosses vendeuses de disques de l’Histoire pour un groupe féminin (derrière les Spice Girls).
Non, c’est une fiction toute bête, et si l’ancrage coïncide à peu près à la même période (les années 1950), la référence est ailleurs : le best-seller d’Edward Kelsey Moore, The Supremes at Earl’s All-You-Can-Eat, sorti aux États-Unis en 2013. Soit un roman d’émancipation aussi attachant que La Couleur des sentiments avec, là aussi, trois héroïnes afro-américaines confrontées aux tourments d’une époque et à des traumas intimes.
Leur surnom ? Elles le doivent à Earl, sympathique tenancier d’un restaurant et père de substitution, toujours bienveillant et attentionné. Elles y ont leurs habitudes, toujours installées à la même table d’où l’on se lève parfois pour aller danser au son du juke-box. Il y a Odette, Clarisse et Barbara Jean, compères liés à la vie, à la mort, unies par leurs naissances singulières qui «n’augurent jamais rien de bon», prédit-on.
La première est en effet née dans un arbre, la seconde dans un hôpital pour Blancs, et la troisième dans un bar, aux pieds des amants de sa mère. Une entrée en matière originale qui amène à la question centrale du film : seront-elles capables de dépasser leurs origines «maudites» et attraper leur destin par le col de chemise, ou au contraire, accepter la fatalité ?
De 1968 à 1999, en passant par l’année 1977, on retrouve à travers différents flash-back le trio à l’adolescence et à l’âge adulte, avançant tant bien que mal dans la vie, chacune avec ses forces et ses faiblesses : Odette (jouée par Aunjanue Ellis-Taylor) est une fonceuse, «grande gueule» qui n’a peur de rien et n’hésite pas à enlever sa robe pour en mettre une à un sale type. Clarisse (Uzo Aduba), elle, talentueuse pianiste, est prête à tout sacrifier pour que son copain, quarterback de talent, puisse faire carrière.
Quant à Barbara Jean (Sanaa Lathan), sa timidité n’est due qu’à des années de violences physiques et psychologiques. Ensemble, sur plusieurs décennies, elles vont traverser les chaos de l’existence : tromperies, maladies, meurtres, décès… Une joyeuse liste à laquelle s’ajoute le contexte politique de l’époque, notamment dans l’Indiana : les tensions raciales avec, couvant le tout, l’ombre du Ku Klux Clan.
Façon Forrest Gump mais sans les calories
Bien évidemment, pour contrebalancer les peines, les trahisons et autres tragédies, il y a l’humour, l’amour et, c’est entendu, les amies (sans quoi le roman original n’aurait jamais été qualifié de «feel good»). Cela dit, le film de Tina Mabry, réalisatrice-scénariste peu connue, n’a pas la finesse de son modèle.
S’il a, en effet, gardé quelques blagues sous le coude et de (rares) scènes cocasses, il mise à fond sur le mélodrame, quitte à en surjouer avec violons en arrière-plan, chaudes larmes au premier et gros câlins pour conclure. Sûrement trop respectueuse des idées de l’auteur, la cinéaste a essayé de les compacter sur un peu plus de deux heures, mais en oubliant le liant nécessaire pour que ça fonctionne. Une série aurait peut-être été plus appropriée.
Du coup, tout ici semble exagéré et poussif : le scénario et ses malheurs qui tombent du ciel (notamment la scène, risible, de l’électrocution), s’enchaînant et s’empilant au point de rendre le spectateur insensible à la détresse des personnages. Que dire du jeu de Sanaa Lathan (apparemment plus à l’aise dans les thrillers musclés) ou de cette philosophie finale, lâchée par Odette façon Forrest Gump mais sans les calories : «La vie, c’est comme un tableau : on remplit notre toile, tous les jours, pour le sublimer au mieux, jusqu’à ce que l’on atteigne les bords».
The Supremes, malheureusement, les touche assez rapidement, et l’on se met à sérieusement douter de la publicité qu’Earl a écrite en gros sur sa façade : «No finer diner» («pas de meilleur restaurant»). Ce n’est pas de sa faute, mais le menu est bien trop inconsistant pour que l’on revienne.