Après Marvel, James Gunn offre ses services à DC Comics pour The Suicide Squad, qui promet d’être le blockbuster explosif de l’été. Un film de la rédemption, après quelques années de mise à pied forcée.
Avec ses éternels cheveux en pics, James Gunn a du mal à abandonner le look de sale gosse qu’il traîne depuis plusieurs décennies maintenant. C’est sans doute parce que sale gosse, il n’a jamais cessé de l’être, pour le meilleur et pour le pire. À quelques jours de son 55e anniversaire (le 5 août), son cinquième long métrage, le missile The Suicide Squad, s’apprête à atomiser les écrans.
Pas vraiment une suite du Suicide Squad de 2016, réalisé par David Ayer, flop critique monstrueux dont même le succès public a failli à sa mission de contenter un minimum les fans des «supervilains» de l’univers DC Comics. Pas vraiment un «reboot» non plus, malgré la présence à l’écran de plusieurs acteurs et actrices qui reprennent leur rôle du film précédent, dont Margot Robbie et son immanquable Harley Quinn.
Dans un récent entretien au New York Times, James Gunn s’expliquait : «Je voulais créer ma propre idée de la Suicide Squad. Réagir au film de David (Ayer) aurait été une façon pour moi de lui faire de l’ombre. Je voulais que ce film ait sa propre existence.»
Viré de chez Disney
Retour en juillet 2018 : le polémiste d’extrême droite Mike Cernovich déterre une série de tweets postés par James Gunn une dizaine d’années plus tôt. Des blagues de très mauvais goût qui touchaient au viol, à la pédophilie ou encore à l’Holocauste. On ne parle pas encore de «cancel culture», mais dans l’immédiat après de l’affaire Weinstein, c’est un débat qui prend de l’ampleur; Gunn, aux commandes de la série de films Marvel Guardians of the Galaxy, présente des excuses publiques.
«Beaucoup de ceux qui ont suivi ma carrière savent qu’à mes débuts, je me voyais comme un provocateur, en faisant des films et en racontant des blagues atroces et taboues (…) L’époque où je disais des choses seulement pour choquer ou susciter des réactions est aujourd’hui finie», écrit-il sur Twitter. Dans la foulée, Disney, maison mère de Marvel, le vire, reléguant son image de grand adolescent à un mauvais souvenir du passé.
«Tout était fini. J’allais devoir vendre ma maison. Je ne pourrais plus jamais recommencer à travailler. Voilà ce que je ressentais», confiait James Gunn au New York Times. C’est dans ce climat de scandale et de désespoir que démarrent les prémices de l’aventure The Suicide Squad.
Un retour aux sources
Le studio Warner Bros. lui propose un projet de taille avec le superhéros fétiche de DC Comics, Superman. Mais Gunn préfère prendre du recul, la mettre en sourdine quelque temps, et développer de son côté, sans la pression des machines à fric hollywoodiennes, un projet qui lui ressemble, qui sache contenter l’enfant avide de cinéma d’action qu’il était, et l’adolescent avide de films gore qu’il est devenu.
The Suicide Squad allait naître, et si Disney s’est depuis ravisé – il réalisera bien le troisième Guardians of the Galaxy –, il était temps pour le réalisateur de laisser ses cheveux en pics devenir blancs.
Avec The Suicide Squad, James Gunn effectue un véritable retour aux sources : comme d’autres sales gosses de son âge, dont les créateurs de South Park, Trey Parker et Matt Stone, James Gunn a fait ses armes auprès du pilier new-yorkais du cinéma «underground» déjanté Lloyd Kaufman.
Sous la houlette du studio Troma Entertainment, Gunn a notamment écrit Tromeo and Juliet (Lloyd Kaufman, 1996), une relecture gore, érotique et joyeusement ridicule de la tragédie shakespearienne dans un Manhattan miné par la guerre des gangs. Et il y a fort à parier qu’avec The Suicide Squad, James Gunn plonge son casting de rêve – Idris Elba, Viola Davis, Alice Braga, Sylvester Stallone… – dans un nouveau cauchemar gore et absolument jouissif.
La «chance de faire un film au budget énorme»
Il a même obtenu de sortir le film sous la classification «R», équivalent américain d’une interdiction aux moins de seize ans, et de remplacer le plus possible les effets numériques par des effets «live», à l’ancienne, pour s’amuser un peu plus avec les scènes les plus sanglantes. «Mon cahier des charges se résumait à faire le film le plus fun possible, sans reculer devant rien. Je suis conscient que très peu de réalisateurs ont eu cette chance de faire un film au budget énorme pour lequel tous les coups sont permis en termes de trame, d’effets et de décors», affirmait-il.
Dans la peau de Harley Quinn, Margot Robbie a fait deux films assez mal reçus, Suicide Squad et Birds of Prey (Cathy Yan, 2020). L’attente est d’autant plus forte sur The Suicide Squad que la complice du Joker pourrait bien apparaître sous un angle nouveau.
Pour James Gunn, l’antagoniste «a sa place sur le mur aux côtés de Batman, Superman, Wonder Woman, Captain America, Spiderman et Hulk», mais le film, adapté des comics de John Ostrander parus entre 1987 et 1992 – «l’une des meilleures séries de superhéros, tous comics confondus», assurait James Gunn au site Screenrant –, repose bel et bien sur un casting d’ensemble et des personnages moins connus, comme Guardians of the Galaxy.
«Une grande partie du film est affiliée au genre qui mélange casse et guerre, quelque chose qui n’existe plus vraiment depuis longtemps. Mais (…) à la fin des années soixante, avec des films comme The Dirty Dozen (Robert Aldrich, 1967), Kelly’s Heroes (Brian G. Hutton, 1970) ou Where Eagles Dare (Brian G. Hutton, 1968), c’était (…) l’un des meilleurs genres au monde. En quelque sorte, j’en ai repris les ingrédients et j’y ai ajouté le fun de la Suicide Squad.» Un retour en enfance pour une rédemption annoncée.
Valentin Maniglia