Avec The History of Love, Radu Mihaileanu réalise son premier film en anglais avec une saga d’amour ambitieuse, courant sur 70 ans. A-t-il vu trop grand?
Un souvenir de Radu Mihaileanu, le cinéaste français né à Bucarest (Roumanie) il y a 58 ans : «J’avais lu, peu après sa sortie en 2005, The History of Love, de Nicole Krauss. J’y avais pris grand plaisir mais, pas un instant durant la lecture, je n’ai pensé à une adaptation pour le cinéma…»
Trois ans plus tard, il fait machine arrière. «Je l’ai alors relu. J’ai porté mon attention sur sa narration complexe, déstructurée et très littéraire. (…) Ce qui me semble essentiel, c’est de savoir comment entrer dans l’histoire et comment organiser le récit, sachant qu’il y a deux, voire trois histoires parallèles. Comment, sans briser l’identité et la force du livre, le rendre accessible à une écriture cinématographique.»
Impeccable réalisateur (avec déjà deux classiques : Va, vis et deviens en 2005, et Le Concert en 2009), il se lance alors. Et tourne The History of Love, film à classer dans les catégories drame, romance et fantastique. Et lui qui, jusqu’alors, a surtout tourné des films «militants», a changé de genre, à travers cette histoire d’amour avec tout ce qu’elle implique.
«J’ai choisi de faire cette adaptation pour une raison : il me semble qu’aujourd’hui, la plus grave et profonde crise que l’humanité traverse est l’incapacité d’aimer l’autre. Nous vivons une époque où l’amour de soi triomphe sur la satisfaction de faire du bien à l’autre, de croire en l’autre. Parfois, l’amour semble désuet, dégradant, ringard. J’ai adoré défendre ces dinosaures utopistes qui se battent pour le sentiment amoureux, pour l’amour qui aide à survivre à tout.»
Flash-back et sous-récits
The History of Love, c’est donc l’histoire d’Alma et Léo. Ils vivent en Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils s’aiment, il a promis de la faire rire toute sa vie. Ils vont fuir leur pays pour rejoindre New York, elle d’abord, lui quelques années plus tard. Lui qui s’est juré de la retrouver… Puis on fait un bond dans l’histoire : de nos jours à Brooklyn, une adolescente se prénomme Alma. Elle est passionnée, débordante d’imagination et de fougue.
De l’autre côté du pont, à Chinatown, il y a Léo – devenu un homme âgé, vivant ses jours et ses nuits dans le souvenir de «la femme la plus aimée au monde». Le grand amour de sa vie. En apparence, rien ne semble relier l’homme âgé et l’adolescente. En apparence… Le film de Mihaileanu est servi, entre autres, par deux comédiennes délicieuses. D’abord, la jeune Canadienne Sophie Nélisse (16 ans), «une actrice promise à un brillant avenir», promet le réalisateur. Ensuite, la Britannique Gemma Arterton, 30 ans, vue précédemment dans Gemma Bovery.
«Cette histoire est d’une beauté extraordinaires. Pour moi, The History of Love est avant tout une histoire d’amour se déroulant sur 70 ans, mais elle est aussi ponctuée d’humour. Ce qui m’a séduite, c’est la perspective de camper un personnage de 18 à 75 ans et de renouer avec mes origines juives polonaises.» Mais, courant de la Pologne des années 1930 à Central Park aujourd’hui et croisant une multitude de personnages, cette histoire de l’amour s’emmêle dans les flash-back et les sous-récits.
Généreux, le réalisateur qui signe là son premier long métrage en anglais aurait-il vu trop grand, trop large? Au public, dès lors, de l’apprécier, ou non.
Serge Bressan
The History of Love, de Radu Mihaileanu (France/Canada/ États-Unis/Roumanie, 2 h 14) avec Derek Jacobi, Sophie Nélisse, Gemma Arterton…
Il était une fois un garçon, Léo, qui aimait une fille, Alma. Il lui a promis de la faire rire toute sa vie. La guerre les a séparés – Alma a fui à New York – mais Léo a survécu à tout pour la retrouver et tenir sa promesse. De nos jours, à Brooklyn, vit une adolescente pleine de passion, d’imagination et de fougue, elle s’appelle aussi Alma.
De l’autre côté du pont, à Chinatown, Léo, devenu un vieux monsieur espiègle et drôle, vit avec le souvenir de «la femme la plus aimée au monde», le grand amour de sa vie. Rien ne semble lier Léo à la jeune Alma. Et pourtant… De la Pologne des années 30 à Central Park aujourd’hui, un voyage à travers le temps et les continents unira leurs destins.