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[Cinéma] « The Beach Boys » : (dis)harmonie familiale


À voir sur Disney+. (photo DR)

Après tout ce que Disney a fait pour les Beatles (dont le superbe Get Back de Peter Jackson), il était juste de rétablir un peu l’équilibre et de se pencher sur un autre groupe qui, aux plus belles heures de la pop, a joué coude à coude avec la bande à McCartney et Lennon : les Beach Boys.

Comme l’est sa signature depuis des décennies (et son fonds de commerce), la marque aux grandes oreilles livre ici un documentaire mis sous l’égide de la famille, signé par Frank Marshall, fidèle collaborateur de Steven Spielberg, et Thom Zimny, pote de Bruce Springsteen et déjà auteur d’un biopic sur Elvis Presley (The Searcher, 2017). Un tandem qui, ici, ne révolutionne rien, avec une approche chronologique classique de la vie et mort d’un groupe (gloire, chute, rédemption), mais qui met du soin dans le geste.

Grâce à des images et des enregistrements d’archives, rares, sans oublier les traditionnelles interviews rétrospectives, on remonte le fil de l’histoire pour se retrouver à Hawthorne, ville du comté de Los Angeles où les Wilson, encore adolescents au milieu des années 1950, héritent de la passion pour la musique du père et de la mère pour s’adonner à de longs entraînements pour parfaire leurs harmonies vocales (inspirées notamment des Four Freshmen).

Il y a l’aîné Brian, le cadet Dennis et le benjamin Carl, vite rejoints par un cousin (Mike Love) et un bon ami (Al Jardine). En un rien de temps, le quintette va incarner le rêve californien, jusqu’à la caricature, avec ses morceaux plein de soleil et de joie sur lesquels on se dandine en bikini, les pieds dans le sable et la planche de surf sous le bras.

Mais loin des parasols, des chemises à fleurs et des sourires «Ultra Brite», en coulisses, tout n’est pas si radieux. Le clan familial est tiraillé par deux forces contraires : d’un côté, le père Murry, épouvantable personnage qui terrorisait femme et enfants.

Manager du groupe, il voit dans le succès de ce dernier un dur rappel à sa vie d’auteur-compositeur contrarié – il finira par être évincé par ses propres fils et vendra, sans les avertir, le catalogue de chansons pour 700 000 dollars (une décision qui leur coûta 100 millions de dollars de droits d’auteur).

De l’autre, il y a Brian, le grand de la fratrie, le génie lunaire, le bosseur invétéré qui va emmener les Beach Boys dans une autre dimension, loin de ce côté «préfabriqué» des débuts, avec une musique plus en phase avec la révolution culturelle en cours à l’époque.

C’est connu : Disney aime les fins heureuses

C’est sur lui que s’attarde, logiquement, le documentaire. Il est le grain de sable dans une mécanique commerciale huilée (entretenue par le label Capitol), refuse de partir en tournée (au point d’en être malade), préfère le calme des studios aux cris des fans agités et devient le pygmalion du groupe, aux manettes de l’écriture aux arrangements.

C’est que l’heure est sensible : les Beatles arrivent en Amérique en 1964 et, comme une lame de fond, emportent tout sur leur passage. Lui, un brin «jaloux», veut être à la hauteur des quatre garçons de Liverpool (même si I Want to Hold Your Hand «n’était pas un si grand disque», confie-t-il) et du plus important des producteurs à ses yeux, Phil Spector.

Alors, pendant que le groupe, régulièrement remanié pour les besoins du live, part aux quatre coins du monde s’amuser, lui va s’appuyer sur un autre (le Wrecking Crew) pour amener la pop à «un niveau inédit». Il y aura alors Pet Sounds (1966), bijou complexe et novateur boudé par la critique, puis l’album Smile, abandonné et repris bien des années plus tard.

Le début de la fin pour les Beach Boys, qui ne doivent leur salut qu’à la sortie d’une compilation de leurs premiers titres pour se relancer. Brian Wilson, lui, le cerveau ravagé par les drogues, paranoïaque et dépressif, ne sera plus que l’ombre de ce qu’il a été, à savoir un compositeur hors norme. Pour la suite, il faudra aller voir d’autres documentaires (ce n’est pas le choix qui manque), car celui-ci s’arrête là, évoquant juste l’étrange lien qui va se faire, en plein courant hippie, avec le «gourou» Charles Manson.

Il met ainsi de côté une fin de carrière compliquée : des disques ratés, des convoitises et des procès, le déclin mental de Brian Wilson (aujourd’hui sous tutelle) et son retour en solo au XXIe siècle, la mort de ses deux frères, et le bref retour en lumière du groupe en 1988 avec la sirupeuse chanson Kokomo (sur laquelle Tom Cruise jongle avec les bouteilles dans Cocktail). Pour toute conclusion, The Beach Boys s’achève là d’où tout est parti, avec une réunion sur la plage, autour d’un feu, des membres vieillis mais encore vivants. C’est connu : Disney aime les fins heureuses.

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