Grâce à des images 3D inédites et l’utilisation de l’IA, le navire Endurance, naufragé en 1915 au large de l’Antarctique, refait surface dans un documentaire saisissant.
Plus d’un siècle après son naufrage au large de l’Antarctique et deux ans après que son épave a été retrouvée, l’Endurance, le navire de l’explorateur anglo-irlandais Ernest Shackleton, fait l’objet d’un documentaire qui révèle son état «époustouflant» de conservation à 3 000 mètres de profondeur. Ainsi, dans Endurance, l’équipe d’explorateurs à l’origine de la découverte du navire a utilisé des milliers d’images en 3D de l’épave gisant dans la mer de Weddell depuis 1915, prises par un appareil capable de filmer en ultra-haute définition.
Inédites, ces images dévoilent les moindres détails du navire, depuis un pistolet d’alarme aux tenues de soirées portées par l’équipage jusqu’à une botte remarquablement préservée. Le documentaire, produit par National Geographic, est sorti il y a une semaine au Royaume-Uni après sa diffusion en avant-première au London Film Festival, qui s’est terminé hier dans la capitale britannique. «Nous avons été totalement époustouflés», raconte Mensun Bound, l’un des responsables de l’expédition qui a retrouvé l’épave en 2022. «Nous ne nous attendions pas à voir la barre du navire – la partie la plus emblématique du bateau – simplement là, encore debout.»
Marins d’hier et d’aujourd’hui
«Personne n’a jamais trouvé un navire en bois à 3 000 mètres de fond dans l’un des endroits les plus reculés du monde et sous la glace», insiste Dan Snow, l’un des producteurs exécutifs du film. Cette découverte est «importante», souligne-t-il, car elle témoigne d’«une histoire de direction d’hommes et de survie comme aucune autre». Fin 1914, l’Endurance a quitté l’île britannique de Géorgie du Sud, dans l’Atlantique Sud, pour emmener l’expédition Imperial Trans-Antarctic, dirigée par Ernest Shackleton. Ce dernier avait l’ambition de devenir le premier homme à traverser l’Antarctique de bout en bout, de la mer de Weddell à la mer de Ross.
Je crois que de toutes les grandes histoires de survie dont j’ai entendu parler, celle-ci l’emporte
Mais l’aventure se solde par un échec et l’épopée de Shackleton dans l’enfer blanc entre dans l’Histoire. Au bout de quelques mois, le trois-mâts goélette de 44 mètres se retrouve en effet pris dans les glaces dans la mer de Weddell, et finit par couler. L’équipage survit en campant durant des mois sur la banquise avant qu’elle ne se rompe, puis trouve refuge sur l’inhospitalière île de l’Éléphant, face à la péninsule Antarctique. Ernest Shackleton se lance alors dans un périple audacieux, partant dans un canot de l’Endurance avec quelques compagnons chercher des secours jusqu’en Géorgie du Sud, avant de revenir sauver tout son équipage.
«Je crois vraiment que de toutes les grandes histoires de survie dont j’ai entendu parler, celle-ci l’emporte parce qu’elle a impliqué tellement de gens», explique Jimmy Chin, qui a réalisé et produit le documentaire avec son épouse Elizabeth Chai Vasarhelyi, tous deux récompensés d’un Oscar en 2019 pour l’époustouflant Free Solo. Endurance mêle deux approches : d’une part, le récit de l’expédition originelle de Shackleton, fait par les marins eux-mêmes grâce à la reconstitution de leurs voix par l’intelligence artificielle à partir d’enregistrements d’époque.
«L’ultime défi polaire»
D’autre part, celui des explorateurs actuels tentant de retrouver l’épave alors que l’hiver menace de rendre leurs recherches sous-marines impraticables. Le documentaire met ainsi en évidence «la brutalité» des conditions glaciales qu’ont dû affronter les marins au début du XXe siècle, comme il y a deux ans, souligne Mensun Bound. John Shears, le chef de l’expédition organisée par le Falklands Maritime Heritage Trust, a, lui aussi, ressenti le «parallèle»entre sa propre expérience de «l’ultime défi polaire» et celle vécue par Shackleton.
Il avait déjà tenté sans succès trois ans plus tôt de retrouver l’Endurance. «C’est vraiment l’héritage de Shackleton : l’échec façonne le succès», abonde Nico Vincent, responsable de l’équipe sous-marine sur le tournage. «Les deux histoires se répondent, même si elles sont éloignées de 110 ans», insiste Elizabeth Chai Vasarhelyi. Le spectateur doit attendre la toute fin du film pour voir les images de l’épave. Un parti pris frustrant, mais nécessaire selon la réalisatrice : «C’est une belle histoire avec une belle récompense, mais elle doit se mériter, non?»
Endurance, de Jimmy Chin
et Elizabeth Chai Vasarhelyi.