Amis proches de longue date, Colin Firth et Stanley Tucci sont la force émotionnelle au cœur de Supernova, où ils forment un couple uni contre la maladie d’Alzheimer.
Ils ne sont pas seulement de grands acteurs, ils sont aussi de proches amis dans la vie. Le Britannique Colin Firth et l’Américain Stanley Tucci se sont rencontrés il y a vingt ans, sur le tournage du téléfilm Conspiracy (Frank Pierson, 2001), qui retrace la planification de l’extermination des Juifs par les nazis, en 1942, durant la conférence de Wannsee. Une dizaine d’années plus tard, ils sont deux conservateurs de musée ennemis dans la comédie Gambit (Michael Hoffman, 2012). Supernova marque leur troisième rencontre à l’écran seulement, mais l’affection profonde que les deux acteurs éprouvent l’un envers l’autre amène le film vers des niveaux d’émotion qui transcendent leur jeu.
«Ce que nous voulions dès le départ, quand on a fait le casting, c’était trouver, si possible, deux acteurs qui avaient déjà un passé ensemble, parce que ce film est un récit à deux personnages plutôt intime, et cette alchimie est l’alpha et l’oméga du film», déclarait le scénariste et réalisateur, Harry Macqueen, à Cineuropa lors du Festival de San Sebastian, en septembre dernier. Et Stanley Tucci, déjà impliqué dans la production, a fait parvenir le scénario à son ami Colin Firth pour qu’ensemble, ils forment devant la caméra un couple uni contre la maladie. Une histoire simple pour deux personnages complexes. Sam (Colin Firth), pianiste, et Tusker (Stanley Tucci), écrivain, s’aiment depuis vingt ans, mais alors que la maladie d’Alzheimer guette Tusker, le couple part en vacances à bord d’un camping car au bord des lacs du nord-ouest de l’Angleterre, pour créer ensemble un dernier beau souvenir.
Vie de couple
Harry Macqueen poursuit dans la veine du «road movie» qui caractérisait son premier film, Hinterland (2014), où l’éloignement géographique déclenche un rapprochement humain et émotionnel. À l’opposé de leurs personnages, qu’ils incarnent avec une certaine forme de grâce, Firth et Tucci ont scellé leur amitié quand le New-Yorkais a déménagé à Londres, il y a douze ans. «Nous nous sommes beaucoup vus durant des périodes difficiles que nous traversions tous les deux», avouait Stanley Tucci au magazine américain Vanity Fair. «De telles choses ne peuvent que rendre une relation plus profonde, plus riche.» Puis, à son tour, le Britannique quitte Londres pour un endroit cher au cœur de son ami : l’Italie. Un pays que Colin Firth a découvert au milieu des années 1990, en même temps qu’il a découvert Stanley Tucci, dans un film que ce dernier a coécrit et coréalisé, Big Night (1996), véritable déclaration d’amour à la cuisine italienne. La boucle est bouclée.
Sur le tournage, les acteurs ont partagé une véritable vie de couple : pendant plusieurs semaines, ils ont partagé ensemble des promenades, de longues conversations, et se retrouvaient tous les soirs pour manger en tête à tête un plat – presque toujours italien – que Stanley Tucci cuisinait. Cette complicité qui s’est développée et renforcée avec le temps trouve un écho dans les personnages qu’ils interprètent dans Supernova, et qui leur permet d’affronter des thèmes risqués – la maladie, le suicide, la vieillesse – avec une délicatesse rare.
Un film d’une autre époque
Car Harry Macqueen, du haut de ses 37 ans, n’a peut-être pas assez d’expérience pour raconter à lui seul un sujet aussi imposant. S’il semble éviter les écueils du mélodrame assez naturellement, Supernova reste un film à la réalisation assez didactique, qui se démarque surtout par ses dialogues précis et sa photographie distinguée (signée Dick Pope, chef opérateur fidèle à Mike Leigh). Sa véritable force, le film la puise dans son duo d’acteurs, qui tire du script toute sa poésie et son émotion.
Le film est une œuvre de fiction, mais c’est aussi un très beau document sur l’intimité d’un couple, sur ce qui peut être dit, fait ou ressenti quand un tabou s’immisce entre les deux parties. C’est surtout un très beau film de cinéma, qui appartient, d’une certaine manière, à une autre époque : celle, lointaine, des âges d’or du cinéma italien ou français, quand la caméra s’élevait en instrument du mensonge pour éveiller des passions bien réelles.
Valentin Maniglia