LeBron James a déjà fait ses preuves comme digne successeur de Michael Jordan en NBA. Au cinéma, c’est autre chose… Mais Space Jam : A New Legacy dévoile un autre talent de «King James», héros du blockbuster à voir cet été.
«Je pense que je jouerai pour la Tune Squad cet été, plutôt qu’aux Jeux olympiques (…) Je vais laisser ma cheville se reposer pendant environ un mois puis je me préparerai avec Lola, Taz, Mémé, Bugs et le reste de la bande.» En juin, les mots de LeBron James lors de la conférence de presse qui a suivi la défaite des Los Angeles Lakers au premier tour des play-offs NBA sonnaient comme une promo gratuite au goût amer. «King James», l’un des meilleurs marqueurs de tous les temps, quatre fois champion, quatre fois MVP et deux fois champion olympique – parmi tant d’autres distinctions – n’avait jamais été éliminé au premier tour des play-offs. Mais cette année est différente : la star de 36 ans, sous contrat jusqu’en 2023 dans la Cité des Anges, a raté 27 matches de la saison régulière à cause d’une blessure, dans une équipe déjà décimée par les contusions (dont celle de son binôme maléfique Anthony Davis); à la suite d’une nouvelle entorse face aux Phoenix Suns en play-offs, LeBron James semble plutôt être en mauvais état. De son propre aveu, sa cheville va bien mais «ne sera plus jamais au même niveau qu’avant» la blessure.
C’est donc dans un tout autre contexte que Space Jam : A New Legacy sort sur nos écrans aujourd’hui, par rapport à l’engouement qui entourait la sortie du premier volet, en 1996. Pour rappel, Michael Jordan, star du premier film, avait pris sa retraite du basket à l’automne 1993 pour tenter une nouvelle aventure – infructueuse – dans le baseball. Un an et demi plus tard, «I’m back», annonçait-il simplement dans un communiqué de presse, et commençait le tournage de Space Jam quelques mois plus tard. Le film débutait, lui, par une recréation de la conférence de presse dans laquelle «MJ» annonçait sa retraite de la NBA, avant de voir le joueur abandonner le baseball pour une partie de basket intergalactique aux côtés de Bugs Bunny et des autres Looney Tunes.
Il est peu de dire qu’énormément de choses ont changé depuis le long métrage culte qui a éveillé la passion du basket chez tant d’enfants de la génération Y. On a connu le cinéma américain, désormais dominé par les sagas à rallonge (et aux budgets qui, chapitre après chapitre, le sont tout autant), en pleine difficulté à se réinventer; aujourd’hui, ce défaut est devenu sa force, et l’industrie multiplie les milliards en déclinant à souhait ses titres les plus prospères. Dans ce schéma, Space Jam : A New Legacy apparaît à la fois comme un nouveau produit du système et une anomalie, une œuvre qui surfe sur le succès d’une précédente, mais à 25 ans de distance, et qui n’appelle pas, à son tour, de suite.
Mais au petit jeu des références méta, le studio Warner – qui n’en est pas à son premier coup d’essai, puisque c’est à lui qu’appartient l’univers étendu DC Comics, rival de Marvel – est plutôt doué. Plus que ses ennemis de chez Disney, qui se gavent de «fan service» bas de gamme pour engranger les billets verts facilement. Et Warner compte bien sur son catalogue centenaire et bien garni pour donner du piment à son univers : ainsi, LeBron James et ses nouveaux amis des Looney Tunes sont catapultés dans la peau de héros inattendus, de Batman et Robin à Mad Max en passant par Harry Potter. Et compter sans les références cachées dans le public du grand match, composé de personnages aussi improbables les uns que les autres (on notera même la présence des «droogies» d’Orange mécanique et de la nonne de The Devils, film-scandale de Ken Russell), ou les clins d’œil à la carrière de «King James» lui-même, dont la recréation de la fameuse photo du dunk de LeBron et «D. Wade» contre les Bucks, cette fois avec Lola Bunny.
Mieux qu’un remake ou qu’une suite qui tente de s’aligner face à la vague des «multivers» qui sont légion chez Disney, Space Jam : A New Legacy porte un propos actuel, avec le face-à-face de deux générations : LeBron James et son fils (Cedric Joe), le premier qui ne vit que pour le «vrai», l’effort et la beauté du jeu, le second qui, du haut de son adolescence, est un crack en informatique et a créé son propre jeu vidéo, plus intéressé par une participation au forum E3 qu’à un stage de basketball. Le fossé entre les deux, qui ne se comprennent pas – le jeune Dom trouvera même un père de substitution en la personne d’Al G. Rhythm (Don Cheadle), une intelligence artificielle – sera l’un des enjeux de la trame générale, traité avec modernité et tact.
Comme son prédécesseur, le film repose d’abord sur sa star, LeBron James. «Showmen» hors pair, les basketteurs sont des acteurs nés, mais à ce petit jeu, le «King» s’en sort mieux que Michael Jordan. Peut-être parce qu’il est mieux dirigé. Peut-être, aussi, parce que ce second volet est moins enclin à servir la soupe à sa vedette, Jordan ayant été immortalisé aussi avec ce qu’il avait de détestable, une petite dose d’individualisme en tête, et ce n’est pas la passe décisive de Bill Murray au buzzer qui y changera quelque chose. Au lieu de cela, James avance dans la trame comme un porte-parole des valeurs familiales, du collectif et du respect, qui doit faire ses preuves après avoir lui-même failli à ces trois besognes. Une véritable icône tous publics, «postérisée» à jamais sous sa plus belle lumière.
Valentin Maniglia