Avec Sorry We Missed You, Ken Loach s’attaque une nouvelle fois au néolibéralisme, à travers à l’ubérisation, les contrats zéro heure et la déshumanisation du travailleur. Tristement dans l’air du temps!
Ken Loach est un de ces réalisateurs que souvent on adore ou on déteste. Pour une fois pas tant pour ses préférence artistiques, mais plutôt pour ses idéaux politiques. Car l’Anglais de 83 ans reste un éternel révolté, un cinéaste militant. Son combat? L’opposition totale et définitive aux délocalisations, à la dérégulation économique, aux privatisations, autrement dit au néolibéralisme et pour ainsi dire au capitalisme dans son entièreté. Sujet ô combien clivant!
Il y a trois ans avec I, Daniel Blake, le cinéaste, dans un cinéma certes de fiction, mais d’un réalisme assumé, mettait en scène un homme de 59 ans souffrant de graves problèmes cardiaques à qui le médecin interdit toute activité professionnelle pour des raisons de santé, mais qui se voit obligé de chercher du travail par les services de l’emploi pour avoir droit à son chômage. Une situation ubuesque qui finira par le broyer.
Dans la même veine et dans un style très proche, avec Sorry We Missed You, Loach continue sa critique de la Grande-Bretagne post-Thatcher. Cette fois, il pose sa caméra à Newcastle. On fait la connaissance de Ricky, la quarantaine, une vie professionnelle faite de petits boulots, mais honnête et volontaire. Il est en plein entretien d’embauche. Enfin, presque!
Une société de livraison de colis lui propose de la rejoindre en tant que chauffeur-livreur. Pas en tant que salarié, mais en qualité de partenaire, d’autoentrepreneur. Une occasion en or, pense-t-il. Après tout, il peut gagner de l’argent tout en travaillant quand il veut, autant qu’il veut… Mais pour se lancer, il faut acheter sa propre camionnette. Et pour réunir l’argent, il vend la voiture qui permettait à sa femme de faire sa tournée d’aide-soignante à domicile payée à la prestation!
Ubérisation d’un côté, contrat zéro heure de l’autre, les deux travaillent comme des chiens, mais ne parviennent jamais à s’en sortir. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes familiaux entre eux, mais surtout vis-à-vis de leurs enfants, dont l’aîné, adolescent, semble déjà à la dérive.
Sans chichi, sans trop profiter des possibilités offertes par le cinéma moderne, Loach propose un film coup-de-poing, bouleversant, sur la manière dont la société broie l’individu, tout en lui faisant miroiter monts et merveilles. C’est pas beau, non, mais tristement dans l’air du temps!
Pablo Chimienti
Sorry We Missed You, de Ken Loach.