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[Cinéma] «Sally» : dans l’intimité d’une pionnière qui a dû se taire


Sally Ride, doctorante en astrophysique de l’université de Stanford et tenniswoman accomplie, fait partie des six femmes sélectionnées sur plus de 8 000 candidates dans la promotion 1978. (Photo : disney+)

Dans l’Amérique de Donald Trump, un biopic célèbre Sally Ride, première astronaute américaine et queer, dans l’espoir de réveiller les consciences.

En racontant la vie de la première astronaute américaine Sally Ride, la réalisatrice Cristina Costantini pensait parler «du sexisme et de l’homophobie d’hier». Dans les États-Unis de Donald Trump, son documentaire a finalement «pris un tout autre sens», explique-t-elle. Ainsi, au début du projet, «célébrer l’amour queer, les femmes astronautes, ne nous semblait pas particulièrement politique. Il y a seulement quelques années, un drapeau des fiertés a flotté dans l’espace, et la NASA avait promis que la prochaine personne sur la Lune serait une femme», explique la réalisatrice de Sally, actuellement visible sur Disney+.

Mais quelques mois après le retour au pouvoir de Donald Trump, «la NASA a beaucoup changé», déplore la cinéaste. L’allusion à la présence d’une femme dans le prochain équipage envoyé sur la Lune «a été retirée du site officiel», «on a demandé aux employés d’enlever les symboles de la fierté gay, les drapeaux arc-en-ciel, les drapeaux de visibilité trans….». Le film prend alors «une autre tournure que ce que nous avions imaginé», constate-t-elle. «Ces droits ne sont pas garantis», poursuit-elle dans une moue.

Trousse de maquillage

Ils ont pourtant été «durement acquis» par des personnes comme Sally, comme sa compagne Tam. «C’est notre responsabilité de porter le flambeau.» Le 18 juin 1983, en pénétrant dans la navette Challenger sur le pas de tir de Cap Canaveral en Floride, Sally Ride entre dans l’histoire en devenant la première Américaine à partir dans l’espace. Vingt ans tout juste après la pionnière soviétique Valentina Terechkova. Et au terme d’une compétition féroce. Six ans plus tôt, l’agence spatiale américaine a décidé d’ouvrir pour la première fois le recrutement des futurs astronautes aux femmes.

Sally Ride, doctorante en astrophysique de l’université de Stanford et tenniswoman accomplie, fait partie des six femmes sélectionnées sur plus de 8 000 candidates dans la promotion 1978. Si l’entraînement est le même que celui des aspirants masculins, le parcours du combattant est ailleurs : répondre aux journalistes qui veulent savoir si elle pleure dans les situations difficiles (quand ils ne se trompent pas en l’appelant «monsieur») ou aux ingénieurs de la NASA qui lui préparent du maquillage pour ses jours dans l’espace et s’inquiètent de savoir si une centaine de tampons seront suffisants…

«J’avais l’impression que les femmes n’avaient pas mérité leur place autant que nous», témoigne dans le documentaire Mike Mullane, astronaute de la promotion 1978 et vétéran du Vietnam. À son retour sur Terre, le portrait de la jeune femme de 32 ans dans sa combinaison bleue, boucles châtains, yeux bleus perçants et sourire confiant, fait le tour du monde. Un statut d’icône dont Sally Ride a du mal à s’accommoder. «C’était trop pour elle. C’était une introvertie, et cela lui pesait», raconte la biologiste Tam O’Shaughnessy, sa compagne pendant 27 ans.

Une série en préparation

Le monde ne découvrira qu’à la mort de l’astronaute, d’un cancer du pancréas en 2012, la nature de la relation entre les deux femmes, qui ont créé une société pour promouvoir la science auprès des filles. Pour Sally Ride, la pression était donc double. Si jamais l’un de ses supérieurs devinait qu’elle aimait les femmes, son rêve de toucher les étoiles s’évanouirait sur-le-champ. «Tout était mesuré, noté, contrôlé… Elle devait faire attention à ne pas révéler quoi que ce soit d’elle», glisse Tam O’Shaughnessy face caméra. «Sally n’aimait pas les étiquettes», mais oui, «c’était une femme queer. C’est une bonne chose qu’elle soit devenue une figure de cette communauté après sa mort», explique-t-elle encore.

Aujourd’hui, Tam O’Shaughnessy s’inquiète de la volonté prêtée par la presse au ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, de renommer un vaisseau militaire portant le nom de Harvey Milk, un célèbre militant gay. «Il y a un navire de recherche qui porte le nom de Sally Ride. Et, j’ai pensé que ça aussi pourrait changer. C’est difficile à digérer, c’est choquant, mais c’est possible», se désole-t-elle. D’où la nécessité de la célébrer, doublement même : Kristen Stewart (Twilight) incarnera bientôt Sally Ride dans une série, The Challenger (adaptée du livre The New Guys écrit de Meredith E. Bagby). Une nouvelle occasion de raconter l’histoire de cette femme qui a brisé tant de plafonds. Jusqu’à celui des étoiles.

Sally, de Cristina Costantini.
Disney+.

C’est notre responsabilité de porter le flambeau

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