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[Cinéma] « Remember » la mémoire et l’oubli


Max Zucker (à g.) et Zev Guttman ont conclu un pacte. (Photo DR)

Dans « Remember », le Canadien Atom Egoyan lance un survivant d’Auschwitz sur la piste d’un SS ayant sévi au camp. Un film peu convaincant…

Encore et encore, la question revient. Mais qu’arrive-t-il donc à Atom Egoyan, le réalisateur arméno-canadien ? À 55 ans, il donne l’impression de faire du surplace. De ne plus avoir suffisamment de souffle pour proposer un cinéma lumineux, enthousiasmant. Sans remonter loin dans sa cinématographie, il suffit de regarder Chloe (2009), Les Trois Crimes de West Memphis (2013) ou encore The Captive (2014) pour comprendre qu’Egoyan est en panne. Pourtant, on espérait – et l’annonce de la sortie de son nouveau long métrage Remember pouvait entretenir le bienfondé de nos espoirs. En vain. Illusions fanées… Et dire qu’avec Remember, Atom Egoyan tenait un bon et beau sujet sur la question éternelle de la mémoire et de l’oubli.

Point de départ, tout simple : un vieil homme, survivant de l’Holocauste, parcourt les États-Unis pour se venger d’un passé qu’il ne cesse d’oublier. Il veut retrouver, lui le survivant d’Auschwitz, un ancien SS ayant sévi dans le camp…

Un film sur l’absence

Certes, la thématique d’anciens nazis encore vivants et cachés aux États-Unis a déjà été plusieurs fois abordée au cinéma : Marathon Man (1976) de John Schlesinger, Apt Pupil (1999) de Bryan Singer ou encore This Must Be the Place (2011) de Paolo Sorrentino. Dans le passé, Egoyan a démontré qu’il pouvait revisiter, renouveler un thème, un sujet déjà vu et revu. Là, cette fois, le réalisateur a réuni tous les ingrédients de la meilleure qualité, mais il s’est sacrément emmêlé dans sa recette, tel un chef débordé dans sa cuisine. Peut-être ce film se révèle peu convaincant tout simplement parce que, pour une fois, Atom Egoyan n’en a pas écrit le scénario…

En promo, le réalisateur arméno-canadien a expliqué que, comme dans d’autres de ses films (Next of Kin – 1984, ou Family Viewing – 1987), il a souhaité une nouvelle fois montré l’absence d’un personnage et les conséquences que cela peut avoir sur le personnage principal de l’histoire. Il a aussi précisé que ce point de vue ne pouvait être parfaitement rendu à l’écran que par l’utilisation de la caméra à l’épaule : «Dans Remember, c’est l’épouse du personnage principal qui n’est plus là. Dès qu’il se réveille, il pense à elle. Donc, j’ai imaginé que la caméra devrait représenter l’esprit de sa femme qui le regarde faire. Cela a nourri ma démarche et rendait le film plus direct. Je ne suis pas en train d’observer le personnage de mon point de vue, c’est un personnage, absent, qui le regarde.»

Et puis, avec ce film de la mémoire et de l’oubli, le réalisateur explique avoir tourné un «road movie pas comme les autres». Commentaire : «Ce que je filme du voyage reste simple, fonctionnel. C’est le contraire d’un périple luxuriant. D’ailleurs, le seul paysage qui m’intéresse, c’est le visage de Christopher Plummer. Les lieux qu’il traverse, je les montre, mais ils ne sont pas importants. Le territoire du film, c’est son visage. Il a une texture, une profondeur hors normes. Je n’ai pas cherché à rendre son visage romantique, je l’ai simplement montré tel qu’il est : marqué par la vie.» C’est malheureusement la seule réussite d’un film bien peu convaincant…

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan