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[Cinéma] Qui a tué le grand romancier ?


"Knives Out" est un de ces récits où il faut deviner qui est le coupable. Classique, mais terriblement bien fichu. (photo Claire Folger)

Knives Out arrive ce mercredi en salle. Son réalisateur, Rian Johnson, nous offre un policier classique mais de haut niveau sur une famille bourgeoise qui se déchire à propos d’un héritage. C’est de toute beauté, malin, drôle et merveilleusement maîtrisé avec un casting 5 étoiles.

Ma maison, mes règles», peut-on lire sur la tasse qu’une employée s’apprête à apporter à Harlan Thrombey, auteur de polars à succès, au lendemain de la fête à l’occasion de son 85e anniversaire. Un détail qui permet de comprendre que le patriarche mène ses affaires, mais aussi sa famille, d’une main de fer. Mais quand l’employée entre dans la chambre du vieil homme, personne. Dans son bureau? La femme retrouve son patron étalé sur un canapé, égorgé.

C’est le point de départ de Knives Out, traduit en VF par À couteaux tirés. Un titre bien vu. Non seulement Thrombey a encore le couteau qui lui a, a priori, tranché la gorge dans la main, mais en plus, parmi les nombreuses œuvres d’art que contient sa demeure bourgeoise, nombre d’entre elles sont réalisées avec des couteaux. Clairement une passion pour cet écrivain ayant fait fortune grâce à des histoires de meurtre.

 

Une minute ou à peine plus a été nécessaire à Rian Johnson pour planter le décor. Le réalisateur de Brick (2005), The Brothers Bloom (2008), Looper (2012) et Star Wars Episode VIII: The Last Jedi (2017) n’a pas eu besoin de plus pour lancer son histoire sur les chapeaux de roues.

Une semaine plus tard, une fois la dépouille enterrée, la police débarque dans le manoir. Comme la mort du vieil homme a été violente, l’inspecteur Elliott est chargé de mener une enquête. Il veut donc interroger tous les héritiers du millionnaire. Même si, et ça ne fait aucun doute, Harlan Thrombey s’est suicidé.

Les enfants du défunt, leurs conjoints, leur propre progéniture sont donc interrogés à tour de rôle. Ce qui permet de recréer la soirée qui a précédé la découverte du corps et de mettre en lumière les inimitiés profondes qui existent entre les différents membres de la famille.

Chacun est bien évidemment blanc comme neige, mais a pourtant entendu tel autre se disputer avec le «boss» le jour de son anniversaire. Il apparaît donc bien vite que les non-dits sont légion et que, comme dans Les Vacances d’Hercule Poirot ou Le Crime de l’Orient Express, tous ont un mobile, une bonne raison apparente pour avoir eu envie de tuer leur ancêtre.

Comme un air d’Hercule Poirot

On l’aura compris, il y a rapidement comme un air d’Agatha Christie dans ce Knives Out. Rian Johnson, qui en plus d’avoir réalisé le film a signé le scénario, avoue d’ailleurs bien volontiers s’être inspiré de Murder by Death de Robert Moore (1976), Death on the Nile de John Guillermin (1978) et Evil under the Sun de Guy Hamilton (1982); les deux derniers étant tirés de romans de l’écrivaine mettant en scène son personnage fétiche, le détective belge Hercule Poirot.

Chez Rian Johnson, le détective n’est pas belge, mais il a un accent du Sud qui dérange terriblement certains membres de la famille Thrombey. Il s’appelle Benoit Blanc. Au départ, il se fait tout petit, on le voit à peine. Après tout, il n’est là qu’en tant qu’observateur. Pas par intérêt personnel, mais parce qu’il a reçu une lettre anonyme pleine de dollars lui demandant de se pencher sur ce fait divers. Mais rapidement sa présence va changer la donne.

Alors que la police compte rapidement refermer l’enquête, Blanc parvient à révéler chaque incohérence dans les dépositions des différents membres de la famille ainsi que du personnel de maison. Parmi eux, l’infirmière personnelle d’Harlan, Marta Cabrera, la seule véritable amie du vieil homme que tout le clan Thrombey dit adorer tout en ignorant si elle vient d’Équateur, du Paraguay ou d’Uruguay.

Knives Out est un whodunit, un de ces récits où il faut deviner qui est le coupable. Classique, mais terriblement bien fichu. Un film savoureux par ses décors, ses personnages, son casting – Daniel Craig en Benoit Blanc, Ana de Armas en Marta Cabrera, Chris Evans, Jamie Lee Curtis, Christopher Plummer dans les différents personnages de la famille Thrombey… – et des twists maîtrisés à merveille. Le scénario est un véritable labyrinthe avec tout ce qu’il faut de mensonges, pièges, vengeances, quiproquos et fausses pistes dans lesquels Rian Johnson s’amuse à perdre le spectateur pour le raccrocher à chaque fois de manière encore plus intense et cela jusqu’à la toute dernière de ces 131 minutes.

Pablo Chimienti