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[Cinéma] Quand les Beatles crevaient l’écran


Réalisé par Richard Lester, Help ! emmène les Beatles sur le chemin de la comédie d’aventure. (Photo DR)

Cet été, Disney+ a ressuscité le documentaire culte Let It Be et Sam Mendes se lance dans le biopic croisé des Fab Four (quatre films en 2027). Il n’en faut guère plus pour revenir sur les grands moments des Beatles, stars de cinéma.

A Hard Day’s Night – Richard Lester (1964)

En 1964, la Beatlemania bat son plein, et les fans du monde entier attendent avec impatience A Hard Day’s Night, le troisième album du quatuor. Qui vient accompagné d’un film, mi-documentaire mi-fantaisie délirante sur le quotidien de ces jeunes passés des rues de Liverpool à la célébrité mondiale. Le scénariste, Alun Owen, a passé quelques jours avec le groupe, avant d’écrire les dialogues espiègles avec leurs voix en tête. En retour, les Beatles se réapproprient merveilleusement le script, notamment lors d’une turbulente scène de conférence de presse.

La mise en scène de Richard Lester renvoie joliment à la Nouvelle Vague française, mais le ton, lui, est bien anglais. Aux nombreuses farces que les «Fab Four» réservent à leur manager le long du film, s’oppose un très bel instant mélancolique où Ringo, seul, erre sur les bords de la Tamise au son de This Boy, standard oublié de Lennon-McCartney. La veille du tournage de la scène, au soir, les Beatles font un peu trop la fête; le lendemain, John, Paul et George ont droit à une journée de repos, mais le batteur assure ses scènes avec une gueule de bois monstrueuse, qui se voit… et on compatit.

Help ! – Richard Lester (1965)

Moins poétique mais plus loufoque et surréaliste que le précédent film, Help ! emmène les Beatles sur le chemin de la comédie d’aventure. Ringo est malgré lui au centre d’une trame qui évoque les films d’espionnage et le cinéma d’épouvante : l’énorme rubis qu’il porte sur sa main droite (et qu’il lui est désormais impossible d’enlever) est convoité par une secte maléfique. Une grande réussite, cette comédie pop qui s’autorise tout; selon Martin Scorsese, le spectateur «fait partie de la blague, et ça rend le film encore plus drôle».

Mais le groupe, au sommet de sa popularité, a du mal à suivre le rythme et vit mal l’expérience du deuxième film. Resteront malgré tout des images cultes des Beatles, comme le lever de sourcil surjoué à l’extrême de Paul, témoin des pitreries de ses camarades. Quand la caméra ne tourne pas, le même McCartney, comme les trois autres d’ailleurs, s’isole avec de la marijuana et de la littérature. Dont Vivre et laisser mourir, qu’il dévore. Huit ans plus tard, le bassiste signera un titre légendaire avec son nouveau groupe, Wings : la musique du générique du film de James Bond tiré du roman d’Ian Fleming.

Magical Mystery Tour – The Beatles & Bernard Knowles (1967)

En 1965, les Beatles ont vendu leur image pour devenir stars d’une série animée, qu’ils détestaient (lire ci-dessous). Mais dans les années 1960 finissantes, la nouveauté est à la télévision, et le quatuor – qui a décidé en 1966 d’arrêter les tournées – réapparaît dans un film qui accompagne l’album Magical Mystery Tour. Une fantaisie musicale et psychédélique, tournée en couleur (comme au cinéma) mais diffusée en noir et blanc (comme à la télé). Cheveux longs et costumes fous, les Beatles, comme les Monty Python, jouent plusieurs personnages en plus d’eux-mêmes (Lennon, hilarant en magicien).

Et alors que leurs aventures cinématographiques avec Richard Lester montraient la musique sur le modèle des concerts filmés et de la parodie de cinéma, les Beatles, coréalisateurs de ce film, expérimentent le clip, bardé d’effets psychédéliques ou cherchant, justement, l’ampleur qu’offre le cinéma. Le numéro de music-hall qui clôt le film au son de When I’m Sixty-Four inspirera en retour les Monty Python pour le grand final de leur dernier long métrage, The Meaning of Life (1983).

Let It Be – Michael Lindsay-Hogg (1970)

Pratiquement invisible depuis sa sortie en 1970, on croyait même ce document dépassé après la sortie, en 2021, du monument The Beatles : Get Back, documentaire de près de huit heures signé Peter Jackson. Soit un résumé des 21 jours de tournage du documentaire, quelque part entre la version longue du film de Michael Lindsay-Hogg et son «making of», alors que les Beatles (plus le réalisateur, Yoko Ono, Linda McCartney et d’autres) sont enfermés dans les studios d’Abbey Road pour ce qui sera leur dernière session de studio.

On découvre Let It Be, restauré à la perfection à l’occasion de sa sortie récente sur Disney+, pour ce qu’il est : le document «officiel» des origines de la séparation des Beatles. Mais à la lumière de l’autre réalité dévoilée par Peter Jackson, ce qui saute aux yeux ici, c’est la façon dont la dramaturgie crée par le réalisateur (la tension par le montage, soit un procédé cinématographique basique) a dépassé la réalité qu’elle devait rapporter. Les Beatles, qui avaient toujours été espiègles et complices de l’écran, s’y sont cette fois retrouvés piégés. Jusqu’à l’implosion.

Mais aussi…

De 1965 à 1967, les quatre garçons dans le vent deviennent les héros d’un «cartoon» pour la chaîne américaine ABC, simplement intitulé The Beatles. Une quarantaine d’épisodes au cours desquels ils vivent d’improbables aventures et ne quittent jamais les costumes et la coupe au bol de leurs débuts. Le groupe, qui n’a jamais participé à la création de la série, s’est montré très critique envers la qualité du programme et le ridicule des voix américaines imitant l’accent de Liverpool. Ce qui n’a pas empêché ses créateurs de développer un film animé, à l’heure du psychédélisme : Yellow Submarine (George Dunning, 1968). Ou le périple à bord du fameux sous-marin jaune vers la contrée magique de Pepperland, menacée par de gros monstres bleus et que les Beatles viennent libérer grâce au pouvoir de la musique. Plus déjanté, plus joli, plus effronté que la série : un gros plaisir coupable.

Séparément, les Beatles ont eu leurs aventures, plus ou moins fortunées, avec le septième art : dans sa seule autre expérience d’acteur, John Lennon a retrouvé Richard Lester pour un petit rôle (mémorable) dans la bizarre satire antimilitariste How I Won the War (1967). Paul (le moins bon acteur des quatre) s’est révélé tardivement, et discrètement, avec Give My Regards to Broad Street (Peter Webb, 1984) : un «revival» des films noirs classiques à la sauce McCartney, ici scénariste, acteur, producteur et compositeur. Mais la vraie star des films des Beatles, c’est bien le batteur, et Ringo Starr a développé une appétence pour les films et rôles décalés : on l’a vu en jardinier mexicain dans une comédie érotique, en Merlin l’enchanteur dans un film de vampires, en pape chez Ken Russell et en sosie de Frank Zappa chez Frank Zappa. On l’aime en méchant pistolero dans le western spaghetti Blindman (Ferdinando Baldi, 1971).

Quant à George Harrison, son empreinte sur le cinéma britannique s’est révélée essentielle : il a fondé la société Handmade Films, au départ pour aider ses copains des Monty Python à boucler le tournage de Life of Brian (1979) – le logo est d’ailleurs dessiné par Terry Gilliam. Handmade Films produira une quarantaine de films (dont The Long Good FridayWithnail and ILock, Stock and Two Smoking Barrels…), et est derrière l’adaptation en série du film Time Bandits, actuellement sur Apple TV+.

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