Il y a dix ans, un petit film a fait parler de lui pour ses moyens modestes et son suspense haletant : Buried, de Rodrigo Cortés, mettait alors le spectateur sous assistance respiratoire, privé d’air comme l’acteur principal, Ryan Reynolds, enterré vivant dans un cercueil avec pour seule aide un briquet et un téléphone à moitié chargé… Que fait-il donc là, et réussira-t-il à s’en échapper ? Dans un genre que l’on pourrait appeler «huis clos suffocant», tout tient à cette double interrogation et aux moyens déployés pour y parvenir. La recette, efficace, repose elle sur trois éléments : un lieu, un protagoniste, un compte à rebours. On fait difficilement plus simple.
Dans une formule identique, le côté terreux en moins et la nouvelle technologie en plus, le procédé est remis au goût du jour par Alexandre Aja, réalisateur-scénariste-producteur français pourtant habitué aux grands espaces : le désert américain (La Colline a des yeux), les eaux profondes (Piranha 3D, Crawl), un grand magasin (Mirrors). Outre un goût prononcé pour l’horreur et le gore, ses films, au style explosif, questionnent tous l’instinct de survie, avec ce qu’il faut de tension et de moments haletants. Son nouveau, estampillé Netflix, n’en manque pas, bien qu’il se restreigne à l’espace confiné d’une unité cryogénique, à une époque que l’on imagine avancée.
On y découvre, avec étonnement, Mélanie Laurent, alias Elizabeth «Liz» Hansen, jeune femme sortant d’un cocon et apparemment oubliée dans sa capsule «high-tech». Elle ne sait plus qui elle est, ni comment elle a pu finir enfermée ici. Tandis qu’elle commence à manquer d’oxygène (suffisamment, en tout cas, pour tenir l’heure et demie du film), elle va devoir recomposer les éléments de sa mémoire défaillante pour sortir de ce cauchemar. Pour se raccrocher à ses souvenirs et communiquer avec l’extérieur, elle s’appuie sur MILO, une interface médicale, sorte de halo lumineux ultra-perfectionné qui va l’aider à trouver des réponses à sa situation critique. Dans cette version améliorée de «Dis SIRI», c’est Mathieu Amalric qui prête sa voix à l’intelligence artificielle, comme l’a déjà fait Scarlett Johansson dans Her (2013).
Oxygène s’inscrit dans son époque, portant en lui l’ADN de la crise sanitaire que l’on traverse. Par ses préoccupations – la respiration, l’isolement, la mort, le virus – mais aussi, plus involontairement, par les contraintes techniques auxquels il s’est heurté : écrit par l’Américaine Christie LeBlanc, le scénario patientait depuis 2016 sur la «Black List» américaine, qui recense les meilleurs scripts en attente de financement. Alexandre Aja se voyait déjà tourner son film aux États-Unis, avec Noomi Rapace (Millenium, Prometheus) dans le rôle principal. Le Covid-19 en décidera autrement, et c’est à Paris que s’est construite cette adaptation française, soutenue par le géant américain du streaming.
Une souplesse imposée qui s’est avérée payante, au vu du résultat, louable. Oui, Oxygène s’en tire avec les honneurs, bien qu’il n’évite pas quelques exagérations inutiles (notamment les scènes où l’héroïne se voit agoniser ou encore ses épisodes psychotiques). Et même s’il est difficile d’en dire plus pour ne pas révéler les secrets qui agitent cet «escape game» étouffant, plusieurs bonnes idées sont à souligner : d’abord le choix d’une esthétique froide et blanche, très «SF». Ensuite, des thématiques dans l’air du temps : l’humanité en danger, la colonisation spatiale, la manipulation génétique.
Sans oublier, bien sûr, la performance, spontanée, de Mélanie Laurent, nerveuse, paniquée, exaspérée, méthodique dans sa bulle, avançant au gré des flash-back comme une souris de laboratoire dans un tortueux labyrinthe psychologique. Pas sûr, d’ailleurs, qu’elle y trouve la sortie. Pour le savoir, le spectateur devra aller au bout du suspense, et ainsi vaincre sa claustrophobie et sa peur des piqûres. Ça devrait le faire : il s’y prépare depuis une année.
Grégory Cimatti
Oxygène s’inscrit dans son époque, portant en lui l’ADN de la crise sanitaire que l’on traverse
Oxygène
d’Alexandre Aja
Avec Mélanie Laurent, Malik Zidi…
Genre Thriller / science-fiction
Durée 1 h 40
Chaîne Netflix