Pour sa première réalisation, Don Cheadle signe un grand film « Miles Ahead ». Un biopic musical consacré au célèbre trompettiste de jazz Miles Davis. Audacieux !
Confidence du réalisateur-acteur Don Cheadle qui signe là sa première réalisation pour le cinéma, après celle d’un épisode d’une série télé (House of Lies) : «Il y a deux ans, je regardais une interview d’un neveu de Miles devant ma télé. Le journaliste lui demande s’il y aura un jour un biopic de Miles Davis, et il répond : Jamais, sauf si c’est Don Cheadle qui le joue. Je suis tombé de mon canapé !» Dès lors, Cheadle se lance dans le projet, lui qui rêvait de se glisser dans les habits et la tête de Miles Davis, un jazz hero du XXe siècle.
Il y pensait depuis plus de dix ans, et pour concrétiser ce projet, il a dû se bagarrer sur plusieurs terrains. D’abord, monter un budget de dix millions de dollars – il y est parvenu avec les internautes grâce à une plateforme participative. Ensuite, affronter les pontes de Hollywood : Cheadle imaginait un film avec uniquement des comédiens afro-américains, il avoue avoir dû céder au diktat de Hollywood et inclure dans le casting des comédiens blancs (dont l’excellent Ewan McGregor).
Comédien réputé audacieux, Cheadle a réalisé avec Miles Ahead un film tout aussi audacieux. Avec un scénario bien ficelé qui, d’ailleurs, a immédiatement séduit Ewan McGregor. Dans le film de Cheadle, il prend les habits d’un reporter du magazine Rolling Stone et s’immisce de manière intempestive dans la vie de Miles Davis. Pour ce film, le réalisateur a choisi de se concentrer sur les années 1970 – cette période durant laquelle le trompettiste a connu une terrible paralysie artistique, tenté de récupérer un enregistrement qui avait été volé à son domicile et vécu cloîtré chez lui pendant plus de cinq ans.
Précurseur du jazz moderne, Miles Davis souffrait en plus d’une douleur chronique à la hanche et il carburait à des cocktails mêlant drogues et analgésiques, sans oublier la fréquentation des «frangines». Alors, sont ressurgis les fantômes du passé… Ces fantômes qui vont, à nouveau, le hanter…
Le miracle du jazzman
Avec le journaliste musical, Miles D. va entretenir une amitié complice : ensemble, ils vont essayer de récupérer la fameuse cassette volée, celle sur laquelle le trompettiste avait gravé ses nouvelles compositions. Mais voilà, Miles D., c’était aussi un comportement imprévisible, un caractère cyclothymique – et là, est évoqué son mariage raté avec la belle danseuse Frances Taylor, qui fut sa muse. Cette muse qui lui inspira quelques-uns de ses morceaux les plus fameux, parmi lesquels le cultissime Sketches of Spain ou encore Someday My Prince Will Come.
Le mariage dura neuf ans, il connut quelques hauts, beaucoup de bas avec son lot de relations extraconjugales et de maltraitances. L’histoire rapporte même que, pour sa sécurité, Frances a dû fuir le foyer conjugal, la santé mentale et physique de Miles D. déclinant alors rapidement. Et puis, il y eut le miracle avec le jazzman trouvant son salut dans son art, en célébrant à nouveau la note bleue…
Et puis, dans Miles Ahead (avec une B.O. supervisée par Herbie Hancock !), il y a un acteur formidable : Don Cheadle. Dès les premières images du film, on comprend qu’il a réalisé et interprété «l’œuvre de sa vie», lui qui a appris à jouer de la trompette dès l’âge de neuf ans. On a là sur l’écran un biopic musical, certes, mais tellement loin des biopics classiques. Don Cheadle a éclaté, mieux : explosé les codes du genre. Au cinéma, il a joué l’audace – comme Miles Davis l’a toujours fait avec le jazz !
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan