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[Cinéma] Mia Goth, radiographie sous X


MaXXXine clôt la trilogie érotico-comico-horrifique portée par l’actrice Mia Goth. Un triple coup d’éclat du réalisateur Ti West et un double rôle en or pour l’actrice.

En seulement deux ans, le tandem formé par le réalisateur Ti West et l’actrice Mia Goth a redonné un gros coup de jeune aux lieux communs du slasher américain… en le renvoyant à son propre passé. Par la grâce d’une trilogie qui compense son petit budget avec de grandes idées, et dont le dernier volet, MaXXXine, amène enfin son héroïne, actrice porno se rêvant en star de cinéma «mainstream», sur Hollywood Boulevard, le chemin du succès.

Tout commence dans X (2022) : en 1979, la starlette de films pour adultes Maxine Minx, son petit ami producteur et leur équipe partent tourner un film dans une ferme du Texas qu’ils louent à un couple de personnes âgées, Pearl et Howard. Comme dans tout bon film d’horreur qui se respecte, l’affaire tourne rapidement au vinaigre entre la joyeuse bande de pornographes et les locaux enragés; à la fin du jeu de massacre, la tête de Pearl est réduite en bouillie sous les roues de Maxine, qui peut enfin foncer vers son avenir.

Il y a un twist : Mia Goth interprète les deux rôles, au prix de dix heures de maquillage par jour pour se dissimuler sous les traits de Pearl. Pour se donner du courage, Maxine fixe son reflet dans le miroir et se lance : «You’re a fucking star!», mais c’est bien le double jeu de l’actrice qui crève l’écran ici. Et l’une des grandes idées du film, qui est de revisiter les classiques du slasher sous le prisme féminin et les questions de la beauté, de l’âge, de la sexualité, de l’estime de soi et de la marginalité, n’en est que mieux desservie.

Car la vieille dame n’est pas seulement dangereuse; c’est moins le puritanisme attendu au fin fond du Texas que ses étranges comportements sexuels qui inquiètent. Avec une obsession évidente pour Maxine : elle espionne le tournage d’une scène en s’imaginant à la place de l’actrice, et se glisse même en pleine nuit dans le lit de cette dernière dans une séquence terrifiante, et suspendue à sa poésie macabre et décalée.

Réflexion croisée sur le cinéma et la société

Pour Ti West, X (qu’il réalise, produit, écrit et monte) marquait un retour à son genre de prédilection, l’horreur, une dizaine d’années après l’épatant (quoique méconnu) The Sacrament (2013). Qu’il n’utilise plus seulement pour laisser libre cours à de vieux fantasmes d’amoureux du genre (The House of The Devil, 2009; The Innkeepers, 2011), mais pour livrer une réflexion croisée sur le cinéma et la société. Dans X, il oppose sexualité débridée et sexualité réprimée, luxure abondante et désir à sens unique, mais surtout, il oppose deux groupes de gens dont la vie (et, pour la plupart d’entre eux, la mort) a été conditionnée par le cinéma : ceux qui le regardent et ceux qui le font.

You’re a star!

Cette réflexion est encore poussée plus loin lorsque Ti West et Mia Goth inventent ensemble une «back story» au personnage de Pearl. Qui devient un scénario, qui devient un film, tourné en un éclair et en secret dans la foulée du précédent avec, en remplacement de son équipe, les techniciens de James Cameron, à ce moment en pause du tournage voisin d’Avatar : The Way of Water (2022). Preuve que Ti West, malgré le plus clair de ses dix dernières années passées dans le confort de la réalisation d’épisodes de séries, n’a pas perdu ses vieux réflexes débrouillards – la première qualité de tout bon «master of horror».

Pearl (2022) prouve aussi qu’il n’a pas perdu toute sa verve dans X; en revenant «à la maison», en quelque sorte, le cinéaste s’en trouve grandi. Dans son «origin story», Pearl a le même âge que Maxine dans le précédent opus. On est en 1918 : en attendant le retour de son mari parti à la guerre, Pearl s’occupe de son père infirme et rêve de cinéma et de danse, face à une mère sévère et exigeante. Et Ti West, tandis que son film baigne dans l’imitation technicolor et les saveurs musicales des mélodrames de Douglas Sirk, se fendant même de clins d’œil aux images de carte postale de Heidi ou The Sound of Music (1966), fait flotter un malaise psychosexuel tout au long du film, que même les scènes de meurtre, attendues mais toujours jouissives, ne savent résoudre.

Plus grande «envergure»

Nouveau tour de force parfaitement accompli, Pearl multiplie aussi les échos avec la future meurtrière de cette nouvelle héroïne : la jeune fermière se rêve en star du cinéma, s’éprend d’un projectionniste qui lui montre un film «que personne n’a jamais vu» (un porno) et, pour se donner du courage avant une audition de danse, se répète : «I’m a star!», avant de se faire recaler parce qu’elle n’a pas le «facteur X». On découvrait déjà, à la fin de X, que Maxine est la fille d’un télévangéliste qui tourne en boucle sur la télé de Pearl; il semble que les liens entre les deux femmes – et leurs liens avec les écrans – n’ont pas fini de se dévoiler.

Dans MaXXXine, l’actrice britannique de 30 ans revient dans la peau de son premier personnage, cinq ans après les faits racontés dans X. L’aridité du Texas laisse sa place à un Los Angeles sombre et impitoyable derrière le strass et les paillettes des années 1980, celles de la vidéo. Désormais star du porno souhaitant se faire une place dans le cinéma et prête à tout pour devenir célèbre, Maxine trouve son premier rôle «mainstream» dans un film d’horreur fauché, tandis que la Cité des anges est terrorisée par un tueur en série et que reviennent à l’actrice ses démons du passé. «Ce qui manquait aux deux autres films, c’était l’envergure (…). Nous devions passer de la réalisation de films artisanaux (…) à une réalisation plus grandiose et cinématographique», explique Ti West. À l’entrée d’un casting, une affiche devant laquelle passe Maxine prévient : «Montrez-nous votre facteur X!» On lui fait confiance.

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