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[Cinéma] «Made in Italy», une affaire de famille


"Made in Italy" est une réalisation sobre dans laquelle se déploient la somptuosité de la Toscane, quelques moments de comédie réussis et une chaleur humaine nécessaire en temps de crise. (Photo : DR)

Dans Made in Italy, Liam Neeson partage l’affiche avec son fils, Micheál Richardson. Un face-à-face à la teneur biographique pour lequel l’acteur James D’Arcy se retrouve pour la première fois derrière la caméra.

Depuis Taken (Pierre Morel, 2008), Liam Neeson est devenu un «action hero» toujours prêt à régler leur compte aux gangsters qui osent se mettre en travers de son chemin. Bien qu’il ait pu démontrer ces dernières années qu’il est toujours l’immense acteur qu’il a été, avec des rôles superbes, dans The Grey (Joe Carnahan, 2011) ou encore Silence (Martin Scorsese, 2016), les sommets de sa carrière sont aujourd’hui derrière lui. Comme chaque année autour de Noël, on l’a revu dans la comédie romantique Love Actually (Richard Curtis, 2003), avec son personnage le plus bouleversant, celui d’un père désemparé qui se retrouve face à ses propres responsabilités à la suite de la mort de sa femme; l’acteur nord-irlandais y est sublime de tendresse et d’affliction, sans jamais réussir pour autant à revenir à des rôles qui lui permettent d’exprimer sa palette d’émotions. Jusqu’à aujourd’hui.

À 68 ans, et alors qu’il est encore à l’affiche dans nos salles avec le thriller d’action Honest Thief, Liam Neeson tient le haut de l’affiche dans Made in Italy, comédie dramatique écrite et réalisée par un confrère acteur, James D’Arcy, pour la première fois derrière la caméra. «J’ai commencé à écrire le scénario il y a douze ans, indique le réalisateur. Je l’ai écrit pour jouer dedans, pas pour le réaliser.» Acteur très prolifique au cinéma comme à la télévision, magnifique dans Cloud Atlas (Lana & Lilly Wachowski, 2012) et récemment vu dans Dunkirk (Christopher Nolan, 2017), D’Arcy dit avoir eu «l’envie de réaliser à partir du moment où j’ai travaillé avec Christopher Nolan». C’est là qu’il commence à monter le projet à partir de son scénario, l’histoire d’un père artiste peintre qui voyage de Londres jusqu’en Toscane avec un fils qu’il a perdu de vue pour retaper et vendre leur résidence secondaire, dernier vestige d’une famille qui a volé en éclats quand la mère a été tuée dans un accident de voiture.

 

Il y a bel et bien une filiation entre le Liam Neeson de Love Actually et celui, dix-sept ans plus tard, de Made in Italy. Et, parfois, l’art imite la réalité : si D’Arcy avoue avoir écrit le film comme des «retrouvailles imaginaires» en pensant à son père parti trop tôt et qu’il a peu connu, Liam Neeson, lui, a perdu sa femme, l’actrice Natasha Richardson, en 2009, à la suite d’un grave accident de ski. Initialement prévu pour Bill Nighy, qui devait donner la réplique à Jack Lowden, le rôle du père a touché une corde sensible chez Liam Neeson. Il a vu dans Made in Italy la possibilité de replonger dans une autre forme de deuil, de renouveler le processus de guérison. C’est l’acteur lui-même qui suggère à James D’Arcy le nom de Micheál Richardson, son propre fils, pour partager l’écran avec lui.

«Je pensais qu’il pouvait y avoir quelque chose de très intéressant à ce que mon fils joue mon fils. Nous pouvions y apporter quelque chose que l’on ne peut pas exactement définir», a déclaré Liam Neeson lors d’une interview. «(Micheál) est encore un jeune homme qui a eu un traumatisme horrible il y a dix ans, et je ne voulais pas qu’il retombe dans ce traumatisme pendant le tournage de ce film», ajoute-t-il. Richardson avoue, lui, qu’«en lisant le script, j’ai pensé que c’était tellement bizarre… Comme si ma mère était directement impliquée dans ce qui était en train de se passer». Mais Made in Italy ne joue pas avec les sentiments : à l’authenticité des décors toscans, répondent la sensibilité et le message d’espoir d’un film qui doit énormément à ses deux acteurs. Même si, entre deux prises, Liam Neeson joue avec son image de star d’action : «Je disais à James D’Arcy : “Allez, James, il doit bien y avoir un Albanais que je dois éliminer. S’il te plaît, donne-moi juste une petite scène de baston!”», plaisante-t-il.

La première réalisation de James D’Arcy est marquée par la simplicité. Une réalisation sobre dans laquelle se déploient la somptuosité de la Toscane, à l’extérieur comme à l’intérieur de la maison, quelques moments de comédie réussis (la visite d’un couple d’Anglais vulgaires qui souhaitent acheter la maison) et une chaleur humaine nécessaire en temps de crise. «C’est vraiment de ça dont il est question dans Made in Italy : se connecter et se reconnecter (aux autres), raconte James D’Arcy. C’est ce dont le monde a besoin aujourd’hui.» Liam Neeson a fait face en juin au décès de sa mère; l’acteur résidant à New York n’a pas pu se rendre aux funérailles à cause des restrictions de sortie du territoire américain. Il conclut : «Il est important de dire (à nos proches) que nous sommes là. Nous devons nous entraider.»

Valentin Maniglia

Je disais à James D’Arcy : “Allez, James, il doit bien y avoir un Albanais que je dois éliminer. S’il te plaît, donne-moi juste une petite scène de baston!”