Poumon vert et tapis rouge retrace une épopée courageuse, celle du documentariste Luc Marescot, qui rêve d’un thriller écologique engagé pour la préservation des forêts, avec Leonardo DiCaprio en vedette. Un rêve qu’il compte bien réaliser.
Imaginez Leonardo DiCaprio, crâne rasé, barbe naissante, une prothèse en métal recouvrant la moitié droite de son visage et un chimpanzé toujours perché sur une épaule. Sa maison? Un dirigeable entièrement recouvert de plantes, dehors comme dedans, flottant au-dessus de la forêt amazonienne. L’image existe dans la tête du réalisateur Luc Marescot depuis des années : elle est au cœur de The Botanist, un film de fiction que le documentariste tente de faire exister, tant bien que mal. Mardi, le réalisateur était à Metz pour présenter Poumon vert et tapis rouge, making-of de ce film qui n’existe pas – encore – mais dont il espère qu’il pourra sensibiliser le public à son combat : la préservation des forêts tropicales. «J’ai vite compris que le monde du cinéma, pour moi qui ne suis pas du sérail, c’est assez compliqué d’y entrer. Avec ce documentaire un peu hybride, qui montre des stars et Hollywood, je peux intéresser un large public, et en sous-texte je glisse mes histoires de forêt.»
Les prémices de The Botanist remontent à 2002, quand Luc Marescot, alors documentariste pour la télévision – il a notamment travaillé pendant 22 ans avec Nicolas Hulot sur l’émission Ushuaïa –, rencontre le botaniste Francis Hallé à Madagascar. «Il m’a immédiatement touché», avoue-t-il. Les deux se lient d’amitié, et l’idée germe chez Luc Marescot : le combat de Francis Hallé pour les forêts vaut bien un film, et pas n’importe lequel. Un vrai blockbuster, genre Avatar ou Blood Diamond, avec des stars, de l’action et, surtout, un message écologique engagé, appuyé par des décors réels. Avec sa caméra, le réalisateur est allé un peu partout. Il se souvient de «la dernière expédition de Théodore Monod» : «À 94 ans, il a parcouru 800 kilomètres dans le désert mauritanien avec son beau-frère, deux Bédouins et ma pomme. Sans GPS, à l’ancienne.» Mais Luc Marescot n’était pas encore près d’imaginer que cette aventure n’était pas la plus folle ni la plus longue qu’il allait connaître.
Un blockbuster à 40 millions
«Les premières images (de Poumon vert et tapis rouge) remontent à sept ans. J’ai filmé sans savoir où j’allais», dit celui qui compare son expérience à Lost in La Mancha (2002), le documentaire qui filme le tournage désastreux du film de Terry Gilliam sur Don Quichotte. Comme Terry Gilliam, d’ailleurs, Luc Marescot ne désespère pas de voir un jour son utopie se réaliser, quitte à «donner (son) savoir de la forêt à un réalisateur de talent», qui saura fédérer un casting de stars, l’idéal étant d’avoir, pour le rôle principal, l’acteur de Titanic. Choix logique : Leonardo DiCaprio est, lui aussi, très engagé en faveur de la préservation de la nature, sans compter qu’il était la star de Blood Diamond, un film-référence pour Luc Marescot, puisque son succès a contribué à faire chuter le marché illégal de diamants.
La fiction a une arme imparable pour ouvrir les yeux des gens : l’émotion
Un exemple d’action positive que le cinéma peut avoir sur le monde réel qui lui fait chaud au cœur, et qu’il cherche à atteindre avec The Botanist. «À l’inverse du documentaire, qui prêche des convaincus, la fiction a une arme imparable pour ouvrir les yeux des gens : l’émotion.» Et de l’expliquer en prenant un exemple on ne peut plus actuel : «Prenons deux personnes qui se retrouvent à dîner. L’un est pour la vaccination, l’autre contre. La discussion est cadenassée, les deux vont se fâcher puis se quitteront sans qu’aucun d’eux ait changé sa position d’un iota. Alors que s’ils se racontaient une histoire, l’un pourrait tirer une larme à l’autre, créer de l’empathie et, donc, un point de convergence possible. Mais le cinéma ne se sert pas de ce pouvoir-là pour l’écologie.»
C’est l’histoire malheureuse que Luc Marescot filme dans Poumon vert et tapis rouge : au fil du temps et des rencontres, qui verront défiler l’acteur et producteur de films sur la nature Jacques Perrin, les acteurs Édouard Baer et Juliette Binoche, le délégué général du festival de Cannes, Thierry Frémaux, ou encore les vieilles connaissances de la télé Nicolas Hulot et Antoine de Maximy, il reçoit son lot d’aide et de conseils. Y compris lors de son étape hollywoodienne, au cours de laquelle il enregistre même le scénario de son thriller écologique à la Writers Guild of America, le syndicat des scénaristes. Mais les réponses sont toujours les mêmes : le script plaît beaucoup, mais aucun producteur n’oserait confier son argent à un réalisateur inconnu, débarqué dans un monde dont il ne «possède pas les codes», rappelle à Luc Marescot le routard de J’irai dormir chez vous, qui a vécu une expérience similaire. D’autant plus que le blockbuster est estimé à 40 millions d’euros, somme déjà conséquente pour Hollywood et inimaginable en Europe.
«L’espoir est possible»
Luc Marescot regrette que le cinéma de fiction ne s’engage pas pour la nature, car l’équation pourrait être gagnante. Et malgré son optimisme, il s’est fait à l’idée : «L’écrasante majorité, pour ne pas dire la totalité des cinéastes d’aujourd’hui sont urbains. Je suis pour que le cinéma traite de sujets sociaux et je suis heureux que des choses commencent à bouger. Mais quand on parle de nature, faut-il que ce soit un Tarzan ou un Mowgli qui prenne une caméra pour que ça change?»
Ce qui l’exaspère surtout, dans cette histoire, c’est que plus le temps passe, et plus la déforestation progresse. La question est légitime : si The Botanist met encore une dizaine d’années à se faire, son message sera-t-il toujours pertinent? C’est un problème qui «reste réel», souligne Luc Marescot, mais il ne doit pas éluder «la liste des bonnes nouvelles, qui existe, mieux, qui s’agrandit». «Par exemple, dit-il, la France gagne en forêt, avec 60 000 à 100 000 hectares reboisés chaque année. Une autre étude a montré qu’il y a 9 millions de km² dans le monde que l’on pourrait replanter, sans toucher aux surfaces agricoles et industrielles et aux activités humaines. Si on le faisait, on absorberait les deux tiers du CO2 émis depuis le début de l’ère industrielle. La forêt est un écosystème magique!» «L’espoir est possible», ajoute le réalisateur.
Aux portes de DiCaprio
En se remémorant sa prise de conscience écologique aux côtés de Nicolas Hulot ou d’un documentaire dans la tribu de Raoni, «à 12 kilomètres de forêts défrichées», Luc Marescot réfléchit aux problèmes de surpopulation, à la pression exercée par les lobbies industriels sur les politiques – «Quand Hulot prenait des mesures en tant que ministre de l’Écologie, il pouvait recevoir jusqu’à 30 coups de fil par jour!» –, à la force donnée à ces lobbies par les consommateurs. Des sujets qui apparaissent en filigrane dans Poumon vert et tapis rouge, et qu’il compte bien faire passer dans The Botanist. «Le monde ressemble à la façon dont on consomme. Aujourd’hui, l’acte d’achat est plus fort que le bulletin de vote», lâche-t-il, avant de laisser échapper, très franchement : «En société, on met l’accent sur l’importance de la parité hommes-femmes. Mais putain, elle est où la parité entre l’humain et la nature?»
Alors non, un film ne peut pas changer le monde, mais il peut y participer. De l’émotion, il y en a déjà beaucoup dans Poumon vert et tapis rouge, qui, comme The Botanist, est avant tout une déclaration d’amour au combat de son ami Francis Hallé. Une raison suffisante pour lui faire dire : «Je ne lâcherai rien!» À raison : le réalisateur glisse qu’une grande maison d’édition française s’est intéressée à une novélisation de son scénario. Un argument qui n’est pas rien. Au cinéma, il est toujours plus attractif d’adapter un roman… Quant à Leonardo DiCaprio, Luc Marescot n’a toujours pas abandonné l’idée : «Je suis à la porte de son bureau! Une amie connaît bien son assistante personnelle, et un Américain que j’ai rencontré lors d’un tournage a grandi avec Jonah Hill, un très bon copain à lui. À quel moment recevra-t-il le message?» Peut-être que le succès du film, qui, en attendant d’être distribué au Luxembourg, sortira le 29 septembre en France, lui mettra la puce à l’oreille…
Poumon vert et tapis rouge, de Luc Marescot.
Valentin Maniglia