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[Cinéma] L’Empire : la guerre des étoiles façon ch’ti


Quelque part entre l'espace et le Nord-Pas-de-Calais, Bruno Dumont signe un film ovni. Avec Fabrice Luchini.

Bruno Dumont n’est pas un réalisateur comme les autres. Il le prouve une nouvelle fois avec L’Empire, film où s’entrechoquent des vaisseaux spatiaux, le Bien, le Mal… et des Jedi du ch’Nord!

Vaste blague ou réinvention de la science-fiction? Le réalisateur français Bruno Dumont déconcerte dans L’Empire, une relecture déjantée de Star Wars présentée à la Berlinale. Cet ovni cinématographique est même en lice pour l’Ours d’or, qui sera remis en fin de semaine à Berlin. «Ce n’est pas une parodie» de la saga culte créée par Georges Lucas, et «il ne s’agit pas de se moquer», a alors répondu depuis l’Allemagne Bruno Dumont, un habitué des festivals de cinéma. Même si le potentiel humoristique du film repose largement sur le décalage entre les sabres lasers et la vie quotidienne dans un village modeste du nord de la France.

«Il y a quelques citations, mais je n’ai pas voulu reprendre l’histoire. Il y a des références aux grands films de science-fiction, incluant Star Wars en effet», précise-t-il. «Je voulais faire un film de science-fiction, car j’aime beaucoup les space operas qui sont une façon d’aborder les questions complexes comme l’origine du monde, tout en restant dans mon univers terrestre», a poursuivi l’ancien professeur de philosophie.

Figure inclassable

Mélange d’acteurs amateurs et de célébrités, semi-improvisation, recherche permanente du décalage, L’Empire, filmé sur les plages du Nord, ne surprendra pas ceux qui connaissent déjà l’univers singulier développé par Bruno Dumont dans son P’tit Quinquin, La Vie de Jésus ou encore Ma Loute. En y ajoutant une intrigue assez accessoire autour d’un bébé, objet d’une lutte entre les forces du bien et du mal, les «Un» et les «Zéros», avec pour terrain de jeu la Terre et ses humains.

Officiellement, L’Empire raconte «les origines du monde, pourquoi sommes-nous brassés par le Bien et le Mal», a résumé le réalisateur. «Il y a à la fois des superhéros qui viennent de l’espace, pour lesquels il était pertinent de prendre des acteurs professionnels, qui sont des héros de cinéma, et pour représenter les humains, des anti-héros, il fallait prendre des non-professionnels», a-t-il détaillé. Le film réunit ainsi Fabrice Luchini en incarnation du mal absolu, ainsi que les actrices Anamaria Vartolomei (L’Evénement, Lion d’or à Venise en 2021), Lyna Khoudri (Les Trois Mousquetaires) et encore Camille Cottin (Dix pour cent).

Le film raconte les origines du monde, pourquoi sommes-nous brassés par le Bien et le Mal

Figure inclassable du 7e art, du sulfureux Twentynine Palms en 2003 jusqu’au mystique Jeanne, adaptation chantée de Charles Péguy sur la vie de Jeanne d’Arc, le réalisateur venu de Bailleul (Nord) sait créer le buzz et attirer dans son univers les plus grandes stars, de Juliette Binoche (Camille Claudel, 1915) à Léa Seydoux (France). Adèle Haenel, la «jeune fille en feu» du film de Céline Sciamma, a un temps fait partie de la distribution de L’Empire, avant de claquer la porte, jugeant le contenu du film «sexiste et raciste», rapportait en 2023 le magazine Télérama.

Merveilles de l’architecture

Sur le tournage, «il n’y avait pas de scénario au sens classique, c’est très littéraire, comme un roman», a témoigné à Berlin Lyna Khoudri, désarçonnée d’ignorer parfois qui d’elle ou de son partenaire de jeu était censé déclamer une réplique. Côté amateurs, «on ne lit pas de scénario, pour garder cette part d’innocence et de nature qu’on a chez nous», acte Brandon Vlieghe, qui a rejoint cette troupe.

Pour la production de ce film de presque deux heures, Bruno Dumont explique avoir voulu éviter l’effet carton-pâte, avec des moyens conséquents. Dont des vaisseaux spatiaux bluffants, dérivés de merveilles de l’architecture : la Sainte Chapelle pour le camp du Bien, le Palais de Caserte à Naples pour ses adversaires. Il faudra donc (pour amortir les dépenses) convaincre au-delà du public restreint des fans de Bruno Dumont. Ses films n’attirent que quelques dizaines de milliers de spectateurs, dépassant rarement les 100 000 entrées. À l’exception près du succès public, en 2016, de Ma Loute, et ses quelque 560 000 entrées en France. On espère toutefois que Georges Lucas verra ça !