Comment survivre à un repas de famille ? Le Discours rafraîchit le genre en pariant sur le comique pince-sans-rire de Benjamin Lavernhe, un des acteurs les plus talentueux de sa génération.
Le réalisateur Laurent Tirard, auteur de succès populaires comme Le Petit Nicolas ou Astérix et Obélix : au service de sa majesté, aborde dans cette comédie un sujet universel : Benjamin Lavernhe interprète un trentenaire, Adrien, au fond du trou après s’être fait plaquer par sa copine (Sara Giraudeau, une des agents secrets de la série Le Bureau des Légendes).
Il n’a plus envie de rien, mais se prête au supplice du traditionnel dîner de famille où le spectateur le retrouve, chez ses parents (François Morel et Guilaine Londez), avec sa sœur (Julia Platon) et son futur beau-frère (Khyan Khojandi). Ce dernier finit de plonger Adrien dans un abîme de désespoir lorsqu’il lui demande de préparer le discours du mariage.
Ça arrive à tout le monde de ne plus en pouvoir avec sa famille…
L’enfer de la «chenille qui redémarre», les quiproquos de l’amour par texto… Le film est adapté du roman du même titre de Fabcaro, auteur d’une série de succès d’humour absurde, dont la BD Zaï Zaï Zaï Zaï – l’adaptation de ce best-seller est elle aussi en cours.
Sociétaire de la Comédie-Française, Benjamin Lavernhe s’est délecté des ressorts comiques du scénario : «À un moment donné, ça arrive à tout le monde de ne plus en pouvoir avec sa famille… C’est en ça que le film est universel, et jamais méchant», a-t-il expliqué.
«L’intelligence du film, c’est de ne pas faire une comédie potache, surrythmée, mais de permettre la profondeur, la mélancolie», poursuit l’acteur de 36 ans. Le Discours tranche aussi par des trouvailles de mise en scène, et sa construction : le film est une longue adresse au spectateur, face caméra, de Benjamin Lavernhe qui a eu l’impression de «parler à un psychologue ou à (son) meilleur ami». Mais «surtout pas de faire un numéro de one-man-show qui n’aurait pas été sincère».
Applaudi à la Comédie-Française et très demandé au cinéma, Benjamin Lavernhe s’était fait remarquer par son rôle de jeune marié insupportable, donnant la réplique à Jean-Pierre Bacri dans Le Sens de la fête d’Éric Toledano et Olivier Nakache (2017), puis en 2019 dans Mon inconnue. L’an dernier, il était l’amant lâche – et très drôle – dans la comédie à succès Antoinette dans les Cévennes. «J’aime ces personnages qui font un pas de côté, qui sont singuliers, qu’on peut qualifier de fous, tarés, un peu originaux», relève l’acteur. «Ils sont de beaux personnages parce qu’ils sont complexes, pas d’un bloc, pas lisses, un peu insaisissables.»
Grégory Cimatti
Fabcaro se décline sous toutes les formes !
Depuis sa BD Zaï zaï zaï zaï (2015), ça n’arrête plus pour lui! Avec ce road-movie décalé, tout en humour absurde – vendu à 250 000 exemplaires –, Fabrice Caro, dit «Fabcaro», est devenu un auteur qui compte, avec son lot d’adaptations qui va avec. D’ailleurs, les versions théâtrales ou radiophoniques existantes ou à venir de son chef-d’œuvre sont légion. Il y a même un film en préparation, signé François Desagnat, avec Jean-Paul Rouve à l’affiche (mais aussi Yolande Moreau, Julie Depardieu, Ramzy Bedia).
Côté roman, ce créateur prolifique en a déjà sorti trois qui taillent, chacun à leur manière, un costard au couple et à la famille. Le Discours arrive donc au cinéma. Les deux autres (Figurec et Broadway), de la même trempe, feraient aussi de bons candidats pour le grand écran – le premier est déjà entre les mains du duo Nicolas et Bruno (Message à caractère informatif). Reste désormais à savoir si Laurent Tirard, premier de cordée, a réussi son coup – ce qui, au vu des critiques, ne tient pas lieu d’évidence – car l’univers de Fabcaro n’a rien de simple.
À l’origine, Le Discours est même un livre-concept. C’est son auteur qui le dit : «C’est un ouvrage où il ne se passe rien, un long truc introspectif», ajoutant qu’il fallait qu’il apprenne à mieux le vendre parce qu’à chaque fois qu’il en parle, «ça a l’air inintéressant au possible». C’est bien là toute la difficulté avec Fabcaro, réputé inadaptable : recomposer des histoires concrètes en se basant sur ses longs monologues intérieurs, ses dessins qui se répètent et ses personnages saugrenus, perdus dans un monde tout aussi extravagant.
Le mieux serait finalement de lui confier une caméra. Et apparemment, les propositions sont nombreuses. Mais Fabcaro ne se voit pas dans la peau d’un réalisateur. «Il y a trop de choses à faire sur un tournage. Et moi, je suis le roi du non-choix !»