Porté par Jérémie Rénier et Marie Vacth, L’Amant double, de François Ozon, brille par ses références et son esthétisme. Un grand film avec sexe, fantasmes et perversité.
Du sexe, une dose de perversité et même un soupçon de gore: François Ozon a secoué la Croisette où il a présenté, en compétition, L’Amant double, un thriller hitchcockien qui explore le désir féminin et s’amuse à jouer avec les codes du genre.
François Ozon est diabolique. Mieux (ou pire?) : il est multiple, dichotomique. Et il l’a prouvé la semaine passée en présentant à Cannes son nouveau film, L’Amant double . Réalisateur prolifique (17 films en une petite vingtaine d’années, dont Sous le sable , Swimming Pool , 8 Femmes , Potiche ou Frantz ), il revient à 49 ans à un genre qu’il avait déjà travaillé : le thriller, en y ajoutant cette fois l’érotisme et de l’horrifique.
On ne manque toutefois pas de lui rappeler que le thème de son nouveau long métrage – une femme amoureuse de jumeaux – on l’a déjà vu dans Faux-semblants (1989) de Cronenberg. Mais François Ozon ne s’en offusque pas. Mieux : il le reconnaît et glisse aussi que dans L’Amant double , on peut y voir quelques références à Welles, Hitchcock ou Verhoeven ( Basic Instinct ), ainsi que quelques autocitations (parmi lesquelles l’impudeur de l’exhibition des corps qu’on voyait déjà dans Swimming Pool ). Toutefois, cet Amant double n’est en rien une œuvre de citations; c’est avant tout un film en soi, soutenu par des références…
À Cannes, le réalisateur français a expliqué qu’il « brouillait les frontières pour amener le spectateur à s’interroger sur la nature des images. Est-ce que, malgré une scène fantasmatique, il n’y a pas une vérité qui se dégage? » Conséquence : il s’est amusé à pousser le curseur loin, le plus loin possible, et à jouer avec les codes du genre. Parce que, comme mu par une idée fixe : l’exploration du désir féminin, Ozon veut savoir « ce qui se passe dans le corps d’une femme, et peut-être aussi dans sa tête ».
Gémellité et fantasme
Il y a donc Chloé, c’est une jeune femme fragile; elle tombe amoureuse de son psychothérapeute, Paul, à qui elle fait part de sa difficulté à trouver sa place dans la société et évoque des maux de ventre qui lui perturbent la vie. Ils tombent amoureux; quelques mois plus tard, ils s’installent ensemble, mais elle découvre que son amant lui a caché une partie de son identité. Au fil du film, on découvre avec Chloé que Paul a un frère jumeau également thérapeute, Louis, avec qui il n’a plus la moindre relation. Alors, la jeune femme va aller consulter Louis avec qui elle a une liaison. Louis, ce frère version perverse et manipulatrice de Paul…
Pour L’Amant double , François Ozon s’est librement inspiré d’un roman (publié sous pseudonyme) de l’Américaine Joyce Carol Oates. Il dit et répète avoir pris un grand plaisir à mettre ce film en images et poussé plus avant les curseurs. L’Amant double , c’est aussi un film qui, en plus d’un esthétisme léché et sophistiqué et d’une provocation prégnante, pose de nombreuses questions. Que sait-on de la personne avec qui on partage la vie, le lit? Quel(s) fantasme(s) voudrait-on réaliser? Et si on avait un double, que ferait-on?
Oui, le nouveau (et beau) film de François Ozon est un jeu. Un grand jeu – tout y passe, le double, la gémellité, le fantasme sexuel… Et puis, pour porter son propos, le réalisateur français s’est assuré un casting du plus beau niveau : l’éternelle Jacqueline Bisset passe, la « jeune et jolie » Marie Vacth est tout aussi éblouissante qu’énigmatique et, jouant Paul et Louis, Jérémie Rénier rappelle là qu’il est un acteur essentiel du cinéma francophone. Et c’est ainsi qu’on a un grand film!
Serge Bressan
L’Amant double, de François Ozon (France, 1 h 47) avec Marine Vacth, Jérémie Renier, Jacqueline Bisset…