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[Cinéma] «La Femme la plus riche du monde» : plongée dans l’intimité de l’affaire Bettencourt


Plutôt que de coller au fait divers concernant l’ex-actionnaire de L’Oréal, le réalisateur Thierry Klifa s’en éloigne et plonge au cœur de la haute bourgeoisie française, ses codes, ses secrets.

Il assure : «C’était assez drôle de regarder par le trou de la serrure de la grande bourgeoisie», confie Thierry Klifa, réalisateur de La Femme la plus riche du monde, film présenté hors compétition en mai dernier à Cannes, dans lequel Isabelle Huppert incarne la multimilliardaire Liliane Bettencourt. La famille de cette dernière, extrêmement discrète, a été mise sous le feu des projecteurs contre son gré lors de l’affaire qui a abouti en 2016 à la condamnation du photographe François-Marie Banier à quatre ans de prison avec sursis pour abus de faiblesse sur l’ex-actionnaire principale de L’Oréal.

Le film, dans lequel les noms des personnages ont été modifiés, raconte comment l’intrusion de cet homme fantasque, joué par Laurent Lafitte, au sein de la famille à la tête du géant français des cosmétiques, en bouleverse l’écosystème, agissant comme «une sorte de détonateur», explique Thierry Klifa. Si la relation d’amitié fusionnelle qu’il entretient avec la multimilliardaire est d’abord vue par ses proches comme salvatrice, la place grandissante prise par cet homme osant tout, y compris profiter sans vergogne des largesses financières de son amie, finit par pousser la fille de cette dernière à engager des poursuites judiciaires.

Une femme qui «se réveille»

Leur relation «n’est pas toujours équilibrée, elle n’est pas toujours réciproque au même moment, mais, en tout cas, c’est une vraie relation» et mon personnage «sait très bien comment réveiller cette femme», estime pour sa part Laurent Lafitte, qui voit dans son personnage, «très théâtral», une «version paillarde de Tartuffe, sauf que Tartuffe se fait passer pour quelqu’un d’autre…». «Il y avait quelque chose d’assez shakespearien, presque balzacien dans cette histoire d’amour et de désamour», ajoute Thierry Klifa, dont c’est le septième long métrage – son dernier, Les Rois de la piste, sorti l’an dernier, a reçu de bonnes critiques.

C’était assez drôle de regarder par le trou de la serrure de la grande bourgeoisie

«Plus que le versant politique et judiciaire, ce qui m’intéressait, c’était l’intime. L’histoire de cette famille et de cet espèce de trublion qui rentre et fait sauter tous les verrous, tous les secrets», ajoute-t-il. Mais «si ça n’avait été que mettre en image ce qu’on a pu lire dans les journaux, ça ne m’aurait pas intéressé», dit encore le réalisateur, qui, plutôt qu’un docufiction, a vu dans cette histoire matière à un «film romanesque». L’affaire Bettencourt a par ailleurs déjà fait l’objet d’une série documentaire sur Netflix. «Il ne s’agissait pas de faire pleurer sur les états d’âme des ultrariches, mais de montrer en quoi l’argent vient décupler les conflits», ajoute-t-il.

Un milieu peu montré au cinéma

L’actrice Isabelle Hupert, qui incarne Liliane Bettencourt (appelée Marianne Farrère pour les besoins du film), est d’accord avec le réalisateur : qu’importe les faits, c’est la fiction qui s’impose : «Le fameux « d’après une histoire vraie » semble toujours une promesse pour le spectateur futur. Mais les acteurs trouvent la liberté dans la fiction. C’est son pouvoir. Alors on peut s’autoriser à tout, trouver cette histoire déconcertante, choquante, scandaleuse, mais aussi sincère, touchante, édifiante. Je crois que c’est cela que le film met en lumière. On s’attache finalement à cette relation.»

«Cela m’intéressait aussi de raconter un milieu», celui de «la grande bourgeoisie française, catholique, industrielle» qui est peu montrée au cinéma, «parce qu’elle a des codes, parce qu’elle passe sous les radars, parce qu’elle a surtout envie qu’on ne parle pas d’elle», poursuit Thierry Klifa. «Les ultrariches fascinent, déconcertent, énervent» et «c’est ça aussi qui me plaisait : l’idée d’entrer un peu à l’intérieur». Le tournage du prochain film de Thierry Klifa, qui sera consacré à l’acteur français Jean Gabin, est prévu en 2026 avec Benoît Magimel dans le rôle-titre.

La Femme la plus riche du monde, de Thierry Klifa.