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[Cinéma] Joker, le portrait magnifique d’un supervilain


Dans Joker, Joaquin Phoenix est Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société. (Photo : Niko Tavernise)

Avec Joker, le réalisateur Todd Phillips, propose – et de loin – son film le plus abouti. Un film surprenant, violent et profond sur le meilleur ennemi de Batman, interprété par un grand Joaquin Phoenix. Un film bien différent de ceux qui mettent habituellement en scène les héros ou anti-héros des univers des comics américains.

C’est bien connu, il n’y a pas de bon film d’action sans un bon méchant. Pourtant, le «bad guy» reste bien souvent secondaire. Ça a longtemps été le cas du Joker, ennemi juré de Batman, le héros de Gotham City. Mais voilà que le supervilain né en 1940 a, enfin, droit à son film.

Et quel film! Rien à voir avec les habituelles adaptations hollywoodiennes des comics américains. Ici point de superpouvoirs, pas de personnages bodybuildés ou d’effets spéciaux à outrance… mais au contraire des personnages humains, des situations socialement chargées et un côté psychologique travaillé en profondeur. Seule la saga The Dark Knight – tiens, tiens – de Christopher Nolan, employait déjà cette fibre sensible.

Dans Joker, il n’est pas question de Batman et même Bruce Wayne ne fait qu’une toute petite apparition. Todd Phillips (The Hangover, War Dogs…) a fait le choix de ne s’intéresser qu’à Arthur Fleck. Il est clown à la petite semaine et vit chez sa mère, qu’il aide comme il peut. Oh, certes, il est connu pour des problèmes psychologiques, mais faute de moyens, ses rendez-vous auprès des services sociaux ne peuvent se poursuivre.

Joaquin Phoenix à son meilleur

Son rêve est de devenir humoriste, mais le talent est loin d’être au rendez-vous. Courbé, mal dans sa peau, miséreux, il ne reçoit qu’indifférence ou mépris de la part de tous ceux qui l’entourent. Il faut reconnaître que ses réactions peuvent faire peur. Qu’on sent qu’il pourrait à tout moment péter un plomb. Ce qui finira, bien évidemment, par arriver après une longue montée en puissance.
Jusqu’au bout, le spectateur ignorera quelle partie du récit l’homme a véritablement vécue et quelle partie il a juste imaginée dans son cerveau malade. Une dualité magnifiquement mise en scène et portée par un Joaquin Phoenix (coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à la Mostra de Venise pour The Master, prix d’interprétation masculine au festival de Cannes pour A Beautiful Day…) à son meilleur. Son face-à-face avec Robert De Niro devrait d’ailleurs rester dans les annales!

En attendant, ce Joker a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise. Une récompense qui semble tout à fait méritée tellement le film est inspiré, inventif, profond. À la fois empli de laideur et de beauté. De violence et de danse. Une sacrée performance qui rappelle moins Marvel ou DC Comics qu’elle ne s’inspire du cinéma de Scorsese, de Raging Bull à The King of Comedy. Certains ont pu voir dans ce film une apologie de la violence. Mais c’est là une conclusion bien simpliste pour un film certes violent, mais surtout complexe.

Pablo Chimienti