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[Cinéma] «Jeunes Mères», l’émotion selon les frères Dardenne


(Photo : Christine Plenus)

Les frères Dardenne en mode film choral : dans Jeunes Mères, cinq adolescentes hébergées dans une maison maternelle tentent de construire une vie meilleure pour elles et leurs enfants.

Émotionnellement fort, Jeunes Mères, le treizième long métrage des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, n’a pas apporté à leurs auteurs une troisième Palme d’or record, mais s’est tout de même faufilé dans le palmarès du festival de Cannes en décrochant le prix du scénario. Projeté au dernier jour de la compétition, le long métrage, qualifié d’«œuvre poignante et engagée saluée pour son humanisme et sa portée sociale», est arrivé à la grande cérémonie finale avec déjà deux récompenses annexes au festival : le prix du cinéma positif et le prix du jury œcuménique.

Rejetée par les siens à l’annonce de sa grossesse, Naïma (Samia Hilmi) quitte la maison familiale, prête à se lancer dans la vie de mère célibataire dont elle avait honte. Julie (Elsa Houben), ancienne toxicomane, Jessica (Babette Verbeek), abandonnée par sa mère qui lui a donné naissance à l’adolescence, Perla (Lucie Laruelle) et Ariane (Janaïna Halloy Fokan), filles de femmes alcooliques ou en proie à des troubles psychiques, sont elles aussi dans cette voie.

C’est un peu ce lieu qui nous a décidés à faire ce film (…) Comme si ces gens nous avaient dit : racontez nos histoires

«Le film va raconter comment chacune va se libérer d’un poids, d’un destin qui leur a été, comme tous les destins, imposé, et à travers quel chemin elles doivent passer pour se libérer de ce destin qui les poursuit depuis leur enfance», résume Jean-Pierre Dardenne.

 

Trait d’union entre ces cinq jeunes mères, une maison maternelle, qui accueille des femmes enceintes sans ressources, visitée dans le cadre d’un autre projet de scénario par le duo belge, doublement vainqueur à Cannes avec Rosetta (1999) et L’Enfant (2005). «C’est un peu ce lieu qui nous a décidés à faire ce film», se remémore Jean-Pierre Dardenne. «Quand je dis le lieu, c’est aussi les jeunes femmes, les éducatrices, la psychologue, la directrice qui nous ont captés, ce qu’il s’y passait, ce qu’on a ressenti (…) Comme si le lieu, ces gens nous avaient dit : racontez nos histoires.»

Histoires au pluriel car le long métrage, marqué du sceau du réalisme caractéristique des deux cinéastes, ne documente ni le fonctionnement d’une maison maternelle ni la maternité adolescente. «Ce sont des destins individuels, (…) il y a chaque fois une histoire très particulière», portée avec justesse par un quintette d’actrices peu expérimentées, souligne Luc Dardenne. «Ce qui nous a intéressés, c’était de trouver cinq personnes qui vivent cinq choses différentes, même si, évidemment, c’est chaque fois lié à la relation à un enfant.»

Dans la veine du cinéma social, dont les deux Belges sont parmi les plus illustres représentants, Jeunes Mères développe «comment pèse sur chacune l’histoire sociale, la pauvreté, le fait d’avoir déjà une mère qui les a abandonnées… et comment se battre avec ça», poursuit Luc Dardenne. C’est souvent douloureux mais aussi lumineux, car ce qui a «vraiment intéressé» le duo, ajoute-t-il, a été «de trouver les scènes qui permettaient à ces jeunes filles de se libérer de cet emprisonnement dans lequel elles étaient».

«Émilie était quelqu’un de très vivant»

Entre espoirs, embûches, réussites et renoncements, le spectateur fait, aux côtés de Naïma, Julie, Jessica, Perla et Ariane, l’expérience de la résilience. «C’est surtout une histoire sensible», conclut le cinéaste. «C’est ça qu’on a essayé de transférer sur l’écran.»

Habitués de la compétition cannoise, les frères septuagénaires ont pleuré le décès d’Émilie Dequenne, fauchée en mars dernier, à 43 ans, par un cancer rare, au terme d’une lutte acharnée qu’elle avait rendue publique. L’actrice belge avait été révélée en 1999, à 18 ans, dans le rôle d’une jeune femme déterminée à sortir de la pauvreté dans Rosetta. En plus de la première Palme d’or des rois belges du cinéma social, le film avait valu à l’actrice le prix d’interprétation féminine.

«Le festival a eu l’idée de passer (Jeunes Mères) le dernier jour, comme Rosetta. Donc forcément, c’est le lien», avait remarqué Luc Dardenne avant l’entrée du film en compétition. Les réalisateurs ont encore salué la mémoire de l’actrice après la salve d’applaudissements à l’issue de la projection : «Émilie était quelqu’un de très vivant», a déclaré Luc Dardenne devant une salle comble. «Émilie aimait la vie, donc vive la vie», a complété son frère.

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