Insultes, hurlements, pleurs : dans Juste la fin du monde, l’enfant terrible du cinéma, Xavier Dolan, livre sa vision du huis clos familial, traité sur un mode hystérique avec un casting haut de gamme de stars françaises.
À Cannes, au printemps dernier, le festival lui accorda son Grand Prix. Pourtant, peu avant, le Québécois Xavier Dolan, 27 ans et déjà six films sur son CV, n’avait pas caché son mécontentement devant l’accueil pour le moins mitigé de la presse internationale après la projection de sa nouvelle création, Juste la fin du monde. Ce film qui sort cette semaine dans les salles, pour le Canadien, c’est tout simplement «le meilleur dans ma filmographie»…
Surdoué du monde du 7eart, Xavier Dolan fait débat partout où il passe. Lui qui n’a jamais appris le cinéma, lui qui préfère Avengers à Jean-Luc Godard, bouscule les codes de la bienséance et des bonnes manières. Son cinéma, c’est celui d’un cinémaniaque. On l’adore ou on le déteste : avec lui, pas de demi-mesure ! Jeune homme pressé qui veut tout dire ce qu’il a en lui avant 30 ans ou faiseur doué dans l’art du clip, c’est comme on veut. N’empêche ! Juste la fin du monde, sa sixième et nouvelle réalisation, vient une fois encore tout déranger, tout bousculer.
Cette fois, il s’est emparé de la belle pièce éponyme de théâtre écrite par le dramaturge français Jean-Luc Lagarce avant qu’il ne meure du sida à 38 ans. Cette fois, il a réuni un casting 100 % français avec des actrices et acteurs haut de gamme : Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Léa Seydoux – tous, on les connaît et chez Dolan, on ne les reconnaît à peine ! L’affaire est toute simple : juste un repas, pas la fin du monde; oui, on pourrait croire que c’est tout simple. Avec Dolan, cela prend une dimension dramatique, violente…
«Tout était déjà pensé, c’était fou !»
Écrivain à succès, Louis revient voir sa famille – sa mère, sa sœur, son frère et sa femme. Pour un repas durant lequel il va leur annoncer qu’il souffre d’une grave maladie, qu’il va mourir prochainement. Autour de la table d’un repas, on parle, on crie, on ne s’entend pas, on ne se comprend pas – sauf la belle-sœur de Louis qui, elle, pressent ce qu’il a à dire, à annoncer. Malin et doué, Xavier Dolan n’a pas mis en images du théâtre filmé. Il place sa caméra au plus près des visages qu’il éclaire (ou non) toujours avec à-propos. Rien chez le réalisateur n’est laissé au hasard. Confidence de Vincent Cassel : «Quand il nous a montré le projet, il avait fait tous les plans. Tout était déjà cadré, toutes les lumières déjà pensées… C’était fou ! Ça donnait l’impression de n’avoir plus qu’à venir dire le texte sur le plateau.»
Tout est placé sous le signe de la plus grande des libertés créatrices. Sur le plateau, lors du tournage, il accompagne ses comédiens, il vit le film avec eux. C’est la «méthode Dolan» : on filme vite, comme si la vie devait vraiment s’arrêter dans la minute suivante. Et on ne se lasse pas d’apprécier l’intensité magnifique de ce cinéma du huis clos.
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan