Dans les années 1950, en pleine vague du maccarthysme, le cinéma américain fut parmi les plus visés. Ce que rappelle, fort à propos, Trumbo, le très bon film de Jay Roach.
C’est Bryan Cranston (Breaking Bad) qui incarne le scénariste mythique de Roman Holiday, blacklisté dans les années 40 et qui signera ses chefs-d’œuvre sous pseudonyme.
Il écrivait tout le temps, essentiellement dans sa baignoire. À Hollywood, il était l’un des moustachus les plus fameux, les plus réputés. Né en décembre 1905 à Montrose, Colorado, excellent écrivain (avec, entre autres, Johnny s’en va-t-en guerre, paru en 1939), Dalton Trumbo était surtout un des plus brillants scénaristes de l’époque, au mitan des années 1950. Dans le temple de l’industrie cinématographique, il était une des stars alors que, dans le monde, c’était le temps de la guerre froide.
Dans cet Hollywood, période noire, le gouvernement américain l’accuse d’être communiste. Avec d’autres artistes, il est vite infréquentable, puis emprisonné et placé sur la «Liste noire». Impossible, dès lors, de travailler. Avec l’aide de sa famille, il va déjouer l’interdiction. Dans l’ombre, un combat de tous les instants pour sa réhabilitation. C’est ainsi qu’il va construire sa légende. Sa vie et son œuvre, c’est à présent la matière de Trumbo, biopic de Jay Roach.
Un réalisateur spécialisé en politique
Le réalisateur, 58 ans et 32 films à son actif, est un coutumier de la politique sur écran. Ainsi, en 2008 pour la télé, il a reconstitué l’égalité de vote entre Gore et Bush dans Recount. Quatre ans plus tard, il met Julianne Moore dans le costume de Sarah Palin (Game Change). La même année au cinéma, il signe The Campaign, la lutte déjantée entre deux candidats fictionnels (Will Ferrell et Zach Galifianakis). Suivra la production de la série The Brink, dans laquelle Jack Black et Tim Robbins essaient d’empêcher une nouvelle guerre mondiale. Et prochainement, ce sera All the Way, téléfilm avec Bryan Cranston dans les habits du président Lyndon B. Johnson (1908-1973).
Pour Trumbo, Roach confie s’être inspiré d’un documentaire éponyme sorti en 2007 qui, lui-même, s’appuyait sur Red, White and Blacklisted, une pièce écrite par Christopher Trumbo (le fils de Dalton T.), jouée à New York en 2003 et basée sur les lettres échangées ou écrites par Dalton Trumbo pendant la période (de la liste) noire. Jay Roach a aussi raconté que, pendant son enfance, il a vécu de l’intérieur la peur du communisme qui régnait aux États-Unis : son père travaillait dans l’industrie militaire pour améliorer l’arsenal nucléaire américain et subissait régulièrement des contrôles. Plus tard, il aura comme professeur Edward Dmytryk, un des dix d’Hollywood ayant subi de plein fouet la répression du maccarthysme.
Avec le scénariste John McNamara, Jay Roach a décidé de concentrer son propos sur le seul Trumbo alors que plusieurs autres scénaristes parmi lesquels Samuel Ornitz, Alvah Bessie, Albert Maltz, Lester Cole ou encore John Howard Lawson avaient également été blacklistés. Commentaire du réalisateur : «Tous avaient des points de vue sur l’existence et sur la politique. Trumbo était un homme engagé aux opinions progressistes assumées. Il était suffisamment pragmatique pour comprendre que lorsqu’une stratégie était vouée à l’échec, il ne fallait ni baisser les bras ni garder le cap, mais changer de stratégie.»
Pour incarner ce Dalton Trumbo blacklisté, Roach a appelé Bryan Cranston, connu pour son rôle dans la série, aujourd’hui culte Breaking Bad. «Bryan arrive à exprimer la fougue, l’intelligence et l’autosatisfaction de Trumbo, et il parvient à se montrer aussi charmant, piquant et drôle qu’était ce grand homme», explique le réalisateur. Et c’est la bonne idée de ce Trumbo, un film qui pourtant n’en manque pas! Un grand film à la gloire d’un résistant d’Hollywood.
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan
Trumbo, de Jay Roach